Les cadavres…
On sortit le corps du ruisseau. Tout le monde remarqua le paquet fixé sur son ventre. La paysanne avait cessé ses jérémiades. D’abord intéressée. Puis au bord de la crise de nerfs. Hyppolite venait d’écarter les linges souillés qui enveloppaient le paquet. Et l’on aperçut alors le visage gonflé et violacé d’un bébé. Le maréchal des logis avait perdu de sa superbe. Il détourna le regard. Et Simonin dut admettre que le docteur avait un certain courage, ou beaucoup d’habitude, pour poursuivre ses investigations sans perdre son sang-froid.
Une femme morte avec son bébé. Simonin crut, un instant, qu’il allait s’évanouir. Mais, cette fois, il lui fallait tout voir. La douleur est très forte quand le réel, brutalement, vous agresse. Mais que dire de l’incertitude qui vous ronge, bien longtemps après le drame ? Voir son enfant mourir est horrible. Le perdre sans savoir ce qui lui est arrivé doit dépasser l’entendement.
Il réussit à tout enregistrer. Les ficelles dénouées dans le dos de la morte. La blessure à la tête qui avait peu saigné. La taille du bébé. Et même son sexe, un instant dévoilé. Les deux gendarmes avaient apporté une civière. Le retour vers la carriole du médecin fut long, pénible. Personne ne parlait. Le couple de paysans avait été renvoyé avec des consignes de discrétion auxquelles personne ne croyait. Une autre épreuve s’annonçait.