Quand j’entends cette autrice parler de son travail sur la langue, de la recherche inlassable du mot juste, je n’ai pas envie de la lire. Heureusement, ce travail qui existe, je n’en doute pas, ne se voit pas dans ce court roman. Et c’est sans doute cela le talent.
Un thème : la maltraitance intra conjugale dans une ferme isolée. Deux points de vue : celui du bourreau et celui de la victime. Avec suffisamment de subtilité pour que le lecteur comprenne bien le poids du patriarcat qui amène parfois celle qui est battue à culpabiliser et celui qui bat à justifier ses actes.
L’épouse est « molle » et ne remplit pas sa tâche telle qu’elle est conçue dans le milieu paysan. Le mari est dur au mal, compétent dans sa fonction de chef d’entreprise. Il ne s’agit peut-être même pas de sexisme. Le fils aussi est méprisé, contrairement à ses sœurs, lui aussi « mou », incapable de remplir son rôle. Tout cela décrit avec des mots simples (en apparence tout du moins).
Le Courrier de la Mayenne publie une série de mini biographies de personnages historiques nés dans le bocage mayennais. Une très bonne initiative qui doit intéresser ses lecteurs.
J’ai été agréablement surpris de voir que dans son numéro du jeudi 14 novembre 2024, il était question de Jean-Jacques Garnier : un illustre Gorronnais.
Il se trouve qu’il y a déjà quelques années je me suis intéressé à ce personnage. J’ai édité un petit ouvrage sur sa vie, à partir notamment de ses archives. En particulier ses lettres à son frère et à son neveu, futur maire de Gorron.
Je me réjouissais de pouvoir confronter mes propres sources à celles de l’article. Et là, mauvaise surprise : l’article n’est pas signé ; il n’y a aucune référence au niveau des sources utilisées.
C’est bien dommage car les historiens locaux sont friands des échanges possibles avec leurs homologues. D’autant plus que le tableau qui illustre l’article semble bien être celui que j’ai moi-même utilisé pour mon livre.
Une série de courtes nouvelles autour de personnages, d’animaux et de lieux… Tout cela teinté d’une nostalgie gaie. Dans une langue magnifique. On dit de Colette qu’elle n’aimait pas écrire. Je ne le crois guère. On ne peut pas user de telle façon des mots sans en éprouver un certain plaisir.
Mais cette écrivaine est elle-même un véritable paradoxe. Quand elle revient sur son enfance, on sent des émotions très fortes. Notamment lorsqu’elle évoque sa mère, Sido. Et pourtant, elle n’est même pas allée à son enterrement. Dans la maison de Claudine, elle parle de sa fille Belle Gazou. Or, ses relations avec elle sont loin d’avoir été chaleureuses.
En règle générale Colette fait preuve d’un égoïsme certain, notamment envers ses anciennes relations affectives. Il n’empêche que c’est une très grande écrivaine qui pourrait donner des leçons de style à beaucoup d’auteurs actuels qui l’ont souvent méprisée.
« Le pouvoir des fleurs » (Jean-Marie Laclavatine)
Quatre garçons, archétypes des révoltés de mai 68. Un politique, un peintre, un adepte de cerfs-volants et un chasseur de sons. Ils partagent, dans tous les sens du terme, l’appartement d’une jeune femme « libérée ». Tout cela dans une atmosphère « enfumée » …
L’écriture de l’auteur, est pleine d’humour, sans éviter les critiques sévères (mais bienveillantes) des bouleversements, des mouvements de balancier aspirant à décorseter la société de l’époque. Rapidement, il s’engage dans l’écriture d’un roman noir avec ses classiques : playlist de musiciens anglo-saxons, exploration de domaines spécifiques (entomologie, technique des cerfs-volants, poissons exotiques…), régime de Cuba…
Même si le récit est ponctué de réflexions sur les utopies et leurs impasses, les rebondissements incessants d’une histoire de moins en moins crédible ont fini par me fatiguer. Je pense qu’une bonne partie de la fin de l’ouvrage aurait pu être évitée.
Second tome de l’histoire d’Aliénor d’Aquitaine. Après avoir divorcé du roi de France, elle se marie avec le roi d’Angleterre. Avec ses deux fils, elle se lève contre ce second mari. Cette femme forte, attachée à son duché d’Aquitaine qu’elle veut défendre contre Henri II Plantagenêt, perdra et sera détenue pendant de nombreuses années.
Comme dans le premier tome, le narrateur est un des personnages centraux, Richard Cœur de Lion, fils préféré d’Aliénor. Des lettres d’Aliénor elle-même et un témoignage de la fiancée de Richard qu’il n’épousera jamais, complètent le récit. Ces procédés, changeant de narrateur, dynamise le roman.
L’autrice qui ne prétend pas avoir réalisé un ouvrage purement historique a cependant été très fidèle à la grande histoire. Elle revendique la complémentarité entre imagination et réalité dans ce genre de roman. Elle réussit ainsi à faire revivre cette époque marquée par les violences, les trahisons, les conflits incessants pour redessiner la distribution des territoires entre les familles nobles.
« Jeunes femmes rouges toujours plus belles » (Frédéric. Fajardie)
L’intérêt de ce roman qui se déroule en grande partie pendant les événements de mai 1968 est qu’on a affaire aux soutiers du mouvement. Ceux qu’on a oubliés qui, sur les barricades, affrontaient violemment les CRS eux-mêmes violents. Contrairement aux intellectuels des groupuscules gauchistes qui, pour beaucoup, se sont recyclés dans la société capitaliste qu’ils dénonçaient. Ils ont été oubliés et ont eu du mal à sortir de cette période si troublée et si exaltante. Autre intérêt du livre, c’est l’écriture de l’auteur. Un style original qui soutient bien l’argument du texte.
Voilà pour le positif. Ce que j’ai moins aimé, ce sont certains clichés. Le côté dur au cœur tendre du personnage principal. La rencontre amoureuse avec la femme de sa vie qu’il doit quitter pour vingt ans. Sans compter ses activités obscures dans les révolutions africaines. Trop c’est trop. On a alors l’impression de tomber dans un mauvais polar ou, pire, dans un roman photos.
Dans ce roman qui peut être considéré aussi comme un conte, un groupe d’enfants se retrouve seul sur une île déserte à la suite d’un accident d’avion. Plutôt qu’une robinsonnade romantique, on voit se dérouler la tentative de la mise en place d’une mini société qui, très vite, est secouée par des tensions classiques qui ne peuvent être surmontées. Rivalités des chefs, violence allant jusqu’au meurtre, rituels, croyances, désintégration du groupe…
Quelques personnages principaux portent symboliquement ces tensions. Le récit fait une grande part aux dialogues. Le lecteur est plongé dans une atmosphère pesante. À tout moment, tout peut arriver. Et, comme on a affaire à des enfants, des réactions souvent disproportionnées, des actes de sauvagerie, des croyances immatures, pèsent dramatiquement sur le récit.
Sauf erreur, l’auteur a obtenu le prix Nobel de littérature. On peut le comprendre en se plongeant dans ce roman étrange et puissant.
L’auteur est un ancien maoïste qui, dans les années 1960/70, a flirté avec la violence sans sombrer dans le terrorisme comme les Allemands ou les Italiens. Dans le livre, il revient sur son passé et juge sévèrement son endoctrinement et le côté parfois ubuesque du militantisme de l’époque. Il exerce l’autodérision, l’ironie, mais en gardant toutefois une certaine bienveillance envers le jeune homme qu’il a été et ses compagnons de l’époque.
La structure du récit est particulière. Un narrateur externe s’adresse directement au personnage principal qui, lui-même, dialogue avec la fille d’un de ses anciens camarade décédé. Tout se passe dans un véhicule (une DS nommée Remember…) qui roule toute une nuit sur le périphérique entourant Paris.
Les paysages urbains avec les enseignes lumineuses sont précisément décrits. Les hésitations sur les choses passées sont multiples. Tout cela pourrait devenir fatiguant. Pourtant je n’ai pas lâché ce livre (une relecture pourtant) d’un auteur confirmé.
« L’histoire de l’Abbaye de Fontevraud – Notre Dame des Pleurs » (Michel Melot)
Un ouvrage de 626 pages retraçant l’histoire de l’abbaye, du créateur Robert d’Arbrissel jusqu’à la Révolution. Des recherches considérables, généalogiques, architecturales, historiques en général. La succession des abbesses nous plonge dans les nombreux conflits entre l’empire Plantagenêt et le royaume de France, dans les guerres de religion…
La vie des femmes (qui dirigent Fontevraud), des moines, l’évolution et les contournements des règles, tout est détaillé. Un peu trop peut-être pour un lecteur moyen comme moi. On peut s’y perdre. En fonction des thèmes traités, il y a de nombreux retours en arrière. La généalogie des familles d’où viennent les abbesses est parfois difficile à suivre.
Mais, pour quelqu’un à la recherche d’un thème particulier ou d’une époque (pour moi, par exemple, l’empire Plantagenêt et la vie d’Aliénor d’Aquitaine) les sources sont gigantesques. Lire l’ouvrage en continu du début à la fin est, en revanche, sûrement une tâche ardue pour les non spécialistes.
« Jusqu’à ce que mort s’en suive » (Olivier Rolin)
L’auteur s’immerge dans « Les misérables » de Victor Hugo. Deux révolutionnaires de juin 1848 se croisent sur les barricades. Réfugiés en Angleterre, leur haine réciproque les amène à un duel à mort.
Dans le livre, Olivier Rolin se positionne comme un journaliste enquêtant sur ce drame en tentant d’approcher la personnalité des protagonistes. En réalité, l’enquête va bien au-delà du simple reportage. De nombreuses digressions permettent d’élargir la focale et de se plonger dans le 19ème siècle riche en soubresauts révolutionnaires et dans le Londres de l’époque : une ville monstrueuse où se retrouvent de nombreux exilés.
Un ouvrage très intéressant dans lequel, cependant, j’ai regretté de ne pas retrouver de débats idéologiques entre les deux personnages. Mais des parcours chaotiques d’individus dont le caractère, la personnalité l’emportaient. Et pour lesquels la fascination du danger et de la mort étaient à la base de leur engagement.
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Principalement axé sur l'histoire locale (ville de Gorron), ce blog permettra de suivre régulièrement l'avancée des travaux réalisés autour de ce thème.
Vous trouverez dans ce blog trois thèmes liés à l'histoire de la ville de Gorron. Les différents articles seront renouvelés régulièrement. Ceux qui auront été retirés sont disponibles par
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