Confrontation de points de vue…
Il n’était pas question de promenade ce matin. Un réveil précoce. Pas de transpiration particulière, mais au contraire, la gorge sèche, une difficulté anormale à secréter la moindre salive. Intrigué, je me suis levé pour boire un verre d’eau. L’effet a été très bref. A peine allongé, la gorge s’est à nouveau asséchée. Il devait être vers cinq heures trente. J’ai senti assez rapidement que je ne pourrais me rendormir. Et pourtant la fatigue était là. Je m’agitais, me retournais constamment. Pas de rêve donc mais des images sans liens qui passaient dans ma tête. Des animaux effrayés au moment d’entrer dans l’abattoir. Des visages hilares. De grosses mains velues qui brandissaient des outils ou des armes inconnues. J’aurais dû me lever. Tenter une lecture. Mais j’étais accablé. Par la fatigue physique réelle, les douleurs qui, par moments, parcouraient mes membres. Les hanches surtout et les genoux un peu. J’en oubliais même mon vieil ennemi, ce pied difforme que je ne sentais plus. Un bref assoupissement puis je repris lentement un état à peu près normal. J’aurais sans doute classé l’épisode dans les nuits agitées aux causes incertaines qu’on oublie très vite dès que le sommeil est rétabli. Mais ce matin, alors qu’à la mairie je remontai dans la pièce aux archives ma gorge se serra à nouveau. Pas d’assèchement de la bouche mais une gêne légère qui diffusait jusqu’à l’estomac, le long de l’œsophage. Cela fut très court et ce soir, je n’y pense déjà plus.
Hitler semble faire des émules. Mussolini ce clown grotesque au menton comiquement relevé, veut imposer à l’Albanie une union douanière et l’occupation du pays par les troupes italiennes. Mon adjoint défend le Duce, rappelant au secrétaire de mairie outré que la plupart des pays européens ont depuis bien longtemps imposé bien pire aux diverses colonies. Ce dernier s’embrouille un peu en essayant de mettre en avant les bienfaits de la civilisation. On apportait alors à des pays sauvages ce qu’ils n’avaient pu découvrir eux-mêmes. Je ne peux passer à la mairie sans qu’aussitôt des discussions s’engagent. Il faut donc croire que les événements actuels ont quelque importance, même pour une petite ville comme la nôtre. Chacun dit son mot, les secrétaires elles-mêmes qui, habituellement, n’osent pas contredire les élus. Dans les échanges qui commencent à devenir houleux, deux grands axes se dessinent autour du secrétaire de mairie et de l’adjoint sûr de lui. Il me faut donc prendre position. Et, contrairement à lui, et aussi au secrétaire, je balance souvent. Empêtré dans mes principes pacifistes, je sens bien que mon adjoint en prônant le laisser-faire n’a pas tout à fait les mêmes préoccupations que moi. Je dénonce les prétentions des deux dictateurs, les risques qu’ils font courir à la paix. Lui semble moins clair là-dessus. S’ il refuse comme moi toute révolte armée, c’est aussi et surtout parce qu’il considère que la force est toujours légitime et qu’elle met de l’ordre là où il en manque sérieusement.