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7 février 2018 3 07 /02 /février /2018 16:55

Article XXII

Illustration : un abbé au 18e siècle

 

L’abbé Fleury, après s’être débarrassé du concierge trop babillard à son goût, entre enfin chez l’abbé Yvon qui, heureux de cette visite inattendue, « ne pouvait y croire ». Mais, derechef, les participants au dîner donné chez ce prêtre mondain tout acquis aux idées des Lumières, et sur l’identité desquels l’auteur ne nous fournit aucune indication, se montrent très curieux, agaçant davantage notre abbé :

«  Au bavard portier succédèrent les bavards convives; chacun s'empressa de me questionner sur le sujet de mon voyage. — ‘‘ Ventre affamé, m'écriai-je, n'a point d'oreilles; je suis tourmenté de la faim : servez-moi à manger. Quand je serai parvenu où vous en êtes, (ils prenaient le café), je répondrai à vos questions.  Primo vivere, deinde philosophari ’’ ». 

Il poursuit : « L'estomac rassasié, je satisfis tous les convives sur le motif de mon voyage ; après quoi, je me retirai dans ma chambre pour y faire toutes mes prières et me reposer ».

Fleury ne donne pas d’informations supplémentaires sur cette soirée et ne s’étend pas davantage sur ses retrouvailles avec son compatriote. Il en dresse néanmoins le portrait dans les lignes suivantes, sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine.

 

Corentin Poirier

 

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28 janvier 2018 7 28 /01 /janvier /2018 11:55

Article XXI

Illustration : Scène de souper, au XVIIIe siècle.

 

Fleury frappe à la porte de l’abbé Yvon trois heures après son arrivée à Paris. Mais avant de pouvoir entrer, l’abbé « dévoré de faim » doit se présenter au portier, trop bavard au goût de notre auteur, qui rapporte dans ses Mémoires, le dialogue qui s’est tenu. Si l’on peut s’interroger sur la fidélité du témoignage, écrit plusieurs décennies après cet épisode, par rapport à ce qui s’est réellement dit, il faut reconnaître que l’échange ne manque pas de saveur et le lecteur peut très facilement se représenter la scène. Nous percevons aisément le caractère vif de l’abbé qui s’agace, et qui veut vite en finir avec ce que nous pourrions qualifier d’ « interrogatoire » du portier, pour aller dîner :

« Je demandai au portier, très-bavard, si l'abbé Yvon et son maître de pension étaient visibles, — Très visibles, Monsieur, ils sont encore à table. M. l'abbé donne aujourd'hui un repas de quarante personnes : bonne nouvelle pour un homme affamé.

— Tout n'est pas mangé?

— Oh non ! Monsieur vient-il de loin ? A-t-il demeuré à Paris ?

— Pas de propos ; vous ignorez, Monsieur le portier, que je suis pour ainsi dire à jeun. »

— Vous allez vous régaler comme il faut. Vous  connaissez ces messieurs ? Y a-t-il longtemps?

— Vous m'ennuyez, portier, hâtez-vous de m'annonce r; vos questions ne me rassasient pas.

  –  De quelle province est Monsieur ? Est-il abbé, curé, chanoine ?

— Laissez-moi, m'écriai-je, vous m'étourdissez avec votre bavardage.

— Comment s'appelle Monsieur? Voilà une carte, écrivez vous-même votre nom et signez comme il faut.

Nanti de la carte, cet impertinent ne finissait point ses questions; fatigué de son verbiage, et plus encore pressé par la faim, je marchai en avant. Il remit donc enfin la carte. »

 

Corentin Poirier

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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 11:55

Article XX

 

Illustration : Coche en osier devant Paris (gravure du XVIIe siècle)

 

Fleury, abbé de province, ne connaît pas Paris, et il est, on le comprend, désorienté à son arrivée. Apostrophant son lecteur (ce qui peut nous inviter à nous demander si l’auteur avait envisagé une publication de son vivant), il se remémore ses premières impressions : « Quelle fut la surprise, ami lecteur, quel fut l'embarras d'un homme qui n'avait vu d'autres villes que Mamers, Le Mans et Mayenne, de se trouver seul, dans une vaste cour […], dévoré de faim, ne sachant de quel côté tourner la tête ! ».

Ainsi démuni et « affamé », l’abbé Fleury est donc fraîchement arrivé « dans une ville où [il ne connaissait] particulièrement que l’abbé Yvon et son maître de pension, l’un et l’autres [ses] compatriotes », chez lesquels, il décide en premier lieu de se rendre. Petit détail qui pourra intéresser quiconque s’intéresse de façon approfondie à la vie de Claude Yvon, Fleury nous indique qu’il vivait rue Charonne. Il précise même l’adresse où le dépose son cocher : « faubourg Saint-Antoine, rue Charonne, n° 26 ». Nous reviendrons sur cette rencontre les semaines prochaines.

Fleury reste à Paris durant six semaines. Il écrit à plusieurs reprises que le bruit dans les rues de cette grande ville l’insupporte, voire le rend souffrant. Ainsi, lors de son premier trajet, pour se rendre chez l’abbé Yvon : « Je ne vis dans tout le chemin que des prêtres, des croix de Saint-Louis, des enterrements, des voitures, des marchands de fruits, de légumes, qui me cassaient la tête parleurs cris perçants », et, plus loin : « le bruit des voitures augmentait celui de ma tête » …

 

Corentin Poirier

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 11:50

Illustration : Plan de Paris en 1775, par Jaillot.

 

L’abbé Fleury, à peine installé dans sa cure de Vieuvy, doit se rendre, nous l’avons dit, à Paris pour régler des affaires familiales dont il résume ainsi l’objet : « Mon père avait un procès avec une voisine pour un droit de passage dans une allée commune et pour l’écoulement des eaux qui remplissaient souvent la cave de notre maison ». Le procès est interminable et l’action en justice dure depuis l’enfance de Fleury (elle a commencé aux alentours de 1765), oppose le père de l’abbé à « une femme qui connaissait tous les détours et toutes les ruses de la chicane ». Parvenu à l’âge adulte, Fleury tente de venir en aide à son père et s’adresse « aux plus habiles avocats de Paris » qui, l’assurant du résultat, l’invitent à porter l’affaire devant le Parlement de Paris. « Ce procès devait être jugé la première semaine de Carême » 1789. Nous reviendrons sur ce procès dans un article ultérieur, et nous verrons qu’il sera aussi au cœur des discussions entre les abbés Fleury, Georget et Garnier.

Le curé de Vieuvy part le 16 février 1789, « avec deux cents livres dans [sa] bourse ». Il passe la soirée à Mayenne, où il dort, puis prend « la diligence dans la nuit ». Lors du trajet, la conversation avec les autres passagers (le Prieur des Bénédictins de Saint-Mélaine de Rennes, le valet de chambre de l’évêque de Rennes, deux domestiques de l’évêque de Tréguier et deux dames pour lesquelles nous n’avons aucun complément sur leur identité) s’étend sur les troubles en Bretagne, « suscités par le Parlement de cette province en pleine révolte contre l’autorité du Roi ». Les voyageurs, constate Fleury, prévoient, déjà, « de grands malheurs ».

Fleury arrive à Paris « le jeudy gras, sur les deux heures après midi », probablement le 21 février, dans cette « grande Babylone », qu’il ne connaît pas puisqu’il n’a jamais encore quitté le Maine, « chargé de lettres de recommandation pour l’abbé Garnier, historiographe de France, et M. Georget, ancien professeur de Sorbonne et chanoine de Saint-Honoré, tous deux originaires des environs de [sa] paroisse ».

  

 

Corentin Poirier

 

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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 11:48

Article XVIII

 

 

Illustration : Portrait présumé de Jean-Jacques Garnier

 

Les articles qui vont nous occuper les prochaines semaines vont être consacrés aux relations de l’abbé Fleury, curé de Vieuvy, avec deux autres prêtres nés dans des paroisses voisines, et tous deux, grands universitaires. Ils se rencontrent à Paris, à l’occasion d’un séjour de Fleury, venu régler des affaires familiales, au début de l’année 1789.

Il s’agit d’une part de Jean Georget, chanoine de Saint-Honoré, né en 1708 à Saint-Aubin-Fosse-Louvain et ancien professeur à la Sorbonne, savant en théologie et en philosophie, « vieillard respectable » alors dans les dernières années de sa vie.

L’autre abbé dont Fleury fait connaissance à Paris est bien connu des Gorronnais : Jean-Jacques Garnier, né en 1729 à Gorron, et dont il a longuement été question sur ce blog  (les recherches de Jean-Claude Jouvin, ont donné lieu à une publication l’an dernier). Garnier, historiographe du roi, philosophe et spécialiste des langues anciennes, est professeur au Collège Royal (actuel Collège de France) depuis 1760. Elève au collège de Mayenne puis du Mans, il avait justement été remarqué par Jean Georget, lors, semble-t-il, d’un séjour de celui-ci à Saint-Aubin. Jean-Claude Jouvin a montré comment la correspondance de Jean-Jacques Garnier avec sa famille, et en particulier avec son frère, René-François, curé de Hercé, et avec son neveu, Guillaume, futur maire de Gorron, nous éclaire sur les événements survenus dans le canton lors de la Révolution. La relation et les discussions qu’il a eues avec l’abbé Fleury enrichissent aussi notre connaissance des troubles dans le pays de Gorron et de l’opinion que se fait le savant des bouleversements politiques et religieux.

En outre, c’est aussi à Paris que le curé de Vieuvy retrouve son compatriote de Mamers, l’abbé Claude Yvon, né en 1714, théologien ami de Diderot et d’Alembert qui « fut un des collaborateurs de la perfide et horrible Encyclopédie ». Là encore, les Mémoires de l’abbé Fleury viennent apporter un complément pour la connaissance de ce prêtre, décrié car propagateur des idées nouvelles, et notamment sur la fin de sa vie, elle aussi, mal connue. Nous commenterons donc également les propos de Fleury à son égard.

 

Excellente année 2018 à toutes et à tous,

 

Corentin Poirier

 

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17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 12:31

Article XVII

Titre :

Illustration : Le presbytère de Gorron.

 

            Nous nous arrêtons pour cet article sur la première rencontre entre Urbain Gonnet, sieur de Bois-Roger, curé de Gorron, et l’abbé Fleury, curé de Vieuvy. Celui-ci se souvient : « Nous arrivâmes, sur les cinq heures, dans la paroisse de mon doyen rural ; je voulus me procurer sa connaissance en passant, et le prier de se trouver à ma prise de possession».

Gonnet, né en 1740 à Ambrières et mort à Gorron en 1790, a largement été évoqué sur le blog. Après avoir fait ses études à l’Université d’Angers, il est d’abord vicaire de Gorron, puis est installé curé de cette paroisse en 1768, et devient doyen de Passais dix ans plus tard.  Il vit dans le presbytère, nouvellement construit (1763) par l’architecte Louis Jamot, dit Picard, auteur également du presbytère de la paroisse voisine de Désertines et de la nef de l’église de Saint-Pierre-des-Landes : « Nous entrâmes au presbytère, maison magnifique ; nous y trouvâmes une salle remplie de convives, tous, dans la plus grande gayeté ».

L’abbé Angot note au sujet de l’abbé Gonnet : « possesseur d'une assez grande fortune qu'il dépensait en aumônes, le curé de Gorron avait ‘‘de l'esprit et grand soin de sa paroisse’’ », ce que Fleury confirme dans ses Mémoires : « Le doyen nous reçut dans son salon, m’embrassa tendrement, me combla de toutes sortes d’honnêtetés ; il était très riche en patrimoine ; sa cure valait dix mille francs ». Il poursuit, soulignant la bonté et la convivialité de son hôte : « Sa maison était ouverte à tout le monde ; ses confrères étaient aussi libres chez lui que chez eux. Il voulut m’arrêter à coucher. Je le refusai, lui alléguant le besoin de repos, l’arrivée du notaire apostolique pour me mettre en possession de ma cure, à laquelle je le priai d’assister. Il me promit de faire ce qu’il pourrait pour se rendre à mon invitation ».

L’abbé Fleury termine, laissant présager la triste fin de l’abbé Gonnet : « Ah ! Qui aurait pu s’imaginer que ce respectable confrère me causerait, trois ans après, tant de gémissements et de larmes ? » (je vous renvoie pour plus d’informations au récit de la mort du curé de Gorron par Fleury dans les précédents articles).

 

Corentin Poirier

 

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10 décembre 2017 7 10 /12 /décembre /2017 12:13

Article XVI (suite)

Titre : L’arrivée de Fleury à Vieuvy : trajet du nouveau curé (seconde partie).

Illustration : Carte postale : l’église Saint-Pierre de La Milesse, où Fleury célébra probablement la messe.

Le dimanche 23 novembre, après avoir célébré la grand-messe à La Milesse, l’abbé Fleury poursuit son trajet vers Vieuvy. Parti à une heure de l’après-midi, il arrive vers vingt heures à Saint-Martin-de-Connée, où là encore, il est l’hôte de son confrère Jacques Burin, nouvellement installé. Le lendemain matin, le 24 novembre, il reprend la route pour se rendre à Mayenne, après avoir fait étape pour le déjeuner à Bais, et arrive « d’assez bonne heure ».

Nous sommes en hiver et la route est une épreuve pour le prêtre, duquel nous avons déjà souligné la santé délicate : « Les chemins n’étaient point sûrs ; le froid devenait de plus en plus excessif. La faiblesse de ma vue m’exposait à tomber de cheval, ou même à me plonger dans quelque précipice. La route du Mans à Mayenne, au moins de quinze lieues, était difficile et peu fréquentée ; la misère était à son comble. ». Le périple de l’abbé ne s’arrête pas là : il lui reste encore près de cinq lieues pour arriver de Mayenne à Vieuvy.

Le 25 novembre, Fleury reprend son chemin « sur les deux heures » de l’après-midi et arrive trois heures plus tard à Gorron pour rencontrer l’abbé Gonnet : nous reparlerons de cette rencontre dans un prochain article. A sept heures du soir, il est à Vieuvy, et s’installe dans son presbytère. Le lendemain, le 26 novembre 1788, «  à onze heures du matin », l’abbé Fleury prend possession de sa cure de Vieuvy et de la prestimonie de la Baconnière, qui en dépend.

Il aura donc presque six jours « de souffrances les plus aigües » à l’abbé Fleury – qui en compte dix - pour effectuer le trajet Mamers-Vieuvy : « Il était temps d’arriver : j’aurais succombé. Le cheval me fatiguait autant que le froid. J’ai toujours été un très mauvais cavalier ».

 

Corentin Poirier

 

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 11:50

Article XVI

Titre : L’arrivée de Fleury à Vieuvy : trajet du nouveau curé (première partie)

Illustration : Vue du Mans vers 1770, par Jacques Chéreau.

 

Après une absence prolongée pour laquelle vous voudrez bien m’excuser, je reprends la rubrique sur l’abbé Fleury, curé réfractaire de Vieuvy. Avant d’évoquer plus en détail les rencontres avec l’abbé Gonnet, curé de Gorron, dont le récit de la mort par Fleury vous a été livré dans les derniers articles, nous allons revenir sur le trajet du nouveau curé vers la paroisse qui lui a été attribuée. Ces lignes nous offrent un déroulement assez détaillé de ce trajet, car l’abbé s’attarde sur les étapes de son périple et s’efforce de préciser les heures de chacune d’elles.

 

Pour rappel, Jacques-Pierre Fleury reçoit sa présentation le 4 novembre 1788, à la suite de la mort de son prédécesseur, l’abbé Carré. Après avoir fait ses adieux à son père, le vicaire de Mamers se met en route le 19 novembre « au soir » pour Le Mans afin de rencontrer l’évêque (le diocèse de Laval n’est pas encore créé) et s’arrête chez un prêtre pour passer la nuit : « je couchai chez un doyen rural, éloigné de deux lieues de Mamers ». Fleury ne donne ni le nom de ce prêtre ni le nom de la paroisse qu’il dessert, mais indique qu’il est natif de Mayenne. L’abbé connaît la paroisse de Vieuvy et son prêtre qui vient de mourir. Nous pouvons formuler l’hypothèse que les deux hommes se connaissaient parce que la famille Carré est aussi originaire de Mayenne, et a donné de nombreux curés à Saint-Martin.

Fleury arrive donc au Mans le 20 novembre, à deux heures de l’après-midi et se rend le soir à l’évêché, où il est reçu par Monseigneur François de Jouffroy-Gonssans, en présence de plusieurs grand-vicaires du diocèse, parmi lesquels le vicaire-général, Michel Bonnet, homme de confiance de l’évêque. Il reprend la route le 22 « après dîner » pour aller dormir à deux lieues du Mans, à La Milesse (Sarthe) où il est hébergé par le curé, François Graffin, ancien camarade de séminaire.

 

Corentin Poirier

 

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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 11:53

 

La mort du curé Gonnet par l’abbé Fleury (fin)

 

« Ses vicaires s’empressèrent, le matin, d’aller à sa chambre pour savoir de ses nouvelles : quelle fut leur surprise en ne le trouvant plus ! Ils jetèrent les hauts cris, mais ils étoient tardifs. On expédia partout des courriers pour s’informer de ce qu’il étoit devenu. Celui qui arriva chez moi au moment où j’allois dire la grande messe, m’accabla d’un tel chagrin que je ne dis qu’une messe basse, sans savoir ce que je faisois. Je tremblois de tous mes membres ; je fus obligé de me coucher. Une mort si tragique, dans les circonstances si tragiques où nous nous trouvions, me fut plus sensible qu’aucune de toutes les pertes que j’avois éprouvées depuis que j’étois sur la terre. Quelque attachement que j’eusse pour lui, s’il fut mort naturellement, je l’aurois regretté ; il étoit digne de mes regrets. Je l’aimois autant que mon père. Mais une mort aussi terrible me mit hors de moi-même ; je ne pus dire mes vêpres. Je n’y ai jamais pensé sans frémir, et sans trembler sur un si funeste accident.

On ne trouva son cadavre, enflé comme un tonneau, que la veille du premier de l’an. Je fus invité à sa sépulture qui eut lieu le soir. Je ne me sentis ni assez de force, ni assez de courage, pour assister à une si déplorable cérémonie, où l’on n’entendit que cris et que sanglots. Aucun des curés et des vicaires qui s’y trouvoient ne put chanter.

Dans la nuit où arriva cette mort fatale, il s’éleva une affreuse tempête qui dura toute la journée du 26 ; elle fut si violente qu’elle renversa des arbres, des cheminées, et le toit de plusieurs maisons. Un semblable ouragan avoit eu lieu le 2 novembre précédent, lorsque les conjurés consommèrent notre destruction. La colère de Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion, annonçoit partout les attentats des scélérats. Ah ! m’écrioi-je, de grands malheurs nous menacent encore ! »

 

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14 avril 2017 5 14 /04 /avril /2017 16:41

 

La mort du curé Gonnet par l’abbé Fleury (suite)

 

A peine sortis de table, arriva l’infortuné doyen avec trois de ses principaux habitans qui l’avoient accompagné dans ce triste voyage. Il ne nous dit rien, ne s’aperçut d’aucun de nous. La pâleur, qui avoit remplacé le beau vermillon habituel sur son visage, annonçait la profondeur de son chagrin.

Le curé Garnier et moi partîmes consternés ; nous nous abandonnâmes, dans le chemin, aux plus fâcheuses réflexions. Nous ne savions quoi dire et quoi penser. Nous ignorions l’aliénation de son esprit : si nous l’avions connue, nous ne l’aurions pas abandonné. Il dit la grande messe la nuit de Noël, prit les ablutions et ne savoit ce qu’il faisoit. Le lendemain, il voulut dire la messe du jour ; ses vicaires s’y opposèrent. Il commença les vêpres par le Magnificat. Arrivé dans son salon, il s’assit par terre comme un enfant, se tournant et se retournant de tous les côtés. On voulut le coucher ; il s’y refusa.

Il monta dans sa chambre à neuf heures, et se jeta sur son lit tout habillé. L’infortuné doyen se leva à une heure après minuit, quitta sa soutane pour se revêtir d’une camisole, descendit les escaliers, ouvrit la porte du jardin qu’il ferma avec force, sauta un fossé, traversa plusieurs champs, et se précipita dans un gouffre.

A suivre…

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