Elle
« C’est étrange comme tu peux décortiquer, analyser ces moments merveilleux. Moi, je ne pensais à rien quand tu étais là, tout contre moi. Que tu aies pu imaginer me fatiguer par tes baisers me déconcerte un peu. Quand j’étais seule, j’y pensais tout le temps. Quand j’étais avec toi, j’aurais voulu que ce ne soit qu’un seul et long baiser.
Quand je rentrais à la maison, souvent je pleurais. Je ne savais pas pourquoi. J’étais tellement heureuse que je m’abandonnais. J’étais sûre d’avoir trouvé ce que je cherchais plus ou moins consciemment depuis ma plus tendre enfance. Ma mère ne comptait plus. J’aurais pu l’abandonner là, sur-le-champ. J’étais sûre que notre histoire n’allait jamais finir.
Je ne voyais plus que toi. J’étais profondément heureuse. Quand tu m’as caressé les seins j’ai eu un mouvement de recul. Je savais que ça se faisait entre garçon et fille. Je n’étais pas effrayée. Je m’y attendais un peu. Mais, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu l’impression que tu t’éloignais un peu de moi. Puis j’en ai éprouvé du plaisir. Pas le même. Il n’y avait plus cet abandon que j’aimais tant avec tes lèvres et ton corps plaqué contre moi. Plus concentré, plus localisé, ce plaisir était parfois dérangeant.
Après, il a pris toute sa place. Et je t’aimais d’autant plus. Cette main, à ce moment, participait au sentiment de plénitude, de douceur protectrice, qui étaient toute ma vie d’alors. Mais, quand elle se glissa sous ma jupe, quelque chose s’est rompu. Comme l’irruption d’un réel que j’avais pour un temps oublié et qui résistait. Ma mère m’avait fait promettre de ne jamais accepter une caresse au-dessous de la ceinture. Je n’avais pas très bien compris alors. Mais elle avait réussi à faire passer dans son interdiction une pression dramatique qui ne m’a jamais vraiment quittée.
Ce refus et ton air malheureux ont gâché les derniers jours de vacances. Je voulais me persuader que rien n’était changé. Que je pouvais partir en t’emmenant avec moi. Tu as tout fait pour me rassurer. Et je te remerciai de ne pas avoir insisté. Mais cette main et la promesse à ma mère étaient venues s’immiscer dans cet amour immense qui devait être éternel. »