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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 10:55
La Pierre Tournante…

Le cynisme du docteur

Hyppolite se désolait du peu d’entrain de sa magnifique conjointe. Elle se soumettait sans protester au devoir conjugal. Sa propre mère lui avait bien enseigné qu’il fallait respecter les inconvénients du mariage. Mais d’élan, aucun. Quant au plaisir, était-il bien convenable d’y penser ? Quand, malgré ses demandes, le médecin fut convaincu qu’il ne verrait jamais sa femme toute nue, il mit cette pudeur excessive sur le compte d’une éducation trop rigoureuse et sur celui de la neurasthénie. Une affection bien répandue chez les femmes de notables à l’époque.

Il compensait en exigeant un effeuillage parfois excessif des plus belles de ses patientes. Ou des plus jeunes. Mais, jamais un geste déplacé dans son cabinet. Il se contentait de recenser les petites paysannes délurées qui allaient au-devant de ses consignes. Et les rêveuses un peu plus mûres qui montraient plus qu’il ne le demandait. En ponctuant, bien entendu, l’effeuillage du classique : « est-ce bien nécessaire, docteur ? ». Il s’arrangeait alors pour les rencontrer fortuitement au cours des réceptions entre notables pour les unes et aux fêtes villageoises pour les autres.

Car Hyppolite était très manipulateur. Cynique même, pour certains. Pour Simonin, le maire, par exemple, qui n’était pas dupe. Etudiant à Paris, le jeune Delacourt avait longtemps hésité. Deviendrait-il un de ces chercheurs austères qui, après avoir fait avancer leur science, pouvaient goûter aux honneurs nationaux ? Pour cela, il lui aurait fallu cultiver l’abnégation, la patience, le courage. Assez vite il comprit que sa nature ne le portait guère vers autant de rigueur. Peut-être avait-il aussi quelques doutes sur son talent.

Mais il n’était pas dans la nature du jeune homme de pratiquer l’introspection. Une chance s’offrit à lui, à la fin de ses études : épouser une riche fille de notable dans un village du Bas-Maine où on manquait de médecin. Il se vit le premier dans cette petite société qui, il n’en doutait pas, ne pouvait rivaliser avec lui. Et, en plus, l’héritière était particulièrement belle. Il saisit donc l’occasion. Et, dès son installation, programma son ascension.

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 10:52
Le Champ des Martyrs…

La maison Le Toullenger

J’ai situé cette maison à l’intérieur des fortifications de la ville. Il fallait, en effet, que la famille fût protégée des assauts des frères Le Hérissé. Elle correspond à un immeuble de la rue de la Mairie actuelle (ancienne rue des Halles). Le héros y occupe une petite chambre prise sur le grenier qui lui permet de s’isoler. C’est là qu’il satisfait sa curiosité intellectuelle en lisant, notamment, des livres un peu sulfureux traitant, entre autres, de la religion réformée. Le curé de Gorron dîne fréquemment dans cette maison. C’est au cours de ces repas qu’il essaie de persuader son filleul d’entrer dans les ordres alors que M. Le Toullenger penche plutôt pour des études de droit dans la perspective de sa succession.

Au cours d’un dîner, la sœur cadette de Jean, Marie, va commencer à jouer un rôle plus important que prévu. Je vais en faire une élève des sœurs de la Renardière (premier lieu d’enseignement et de soins dans la paroisse). Et, sur ces lieux, un personnage que je n’avais pas imaginé au départ, va aussi prendre de l’importance : un jeune chirurgien habitant et exerçant à la Renardière, Julien. Il jouera un rôle dans sa relation avec Marie et dans ce qui est au centre du roman : l’intolérance religieuse amenant la violence.

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 11:28
La Pierre Tournante…

Le docteur Delacourt…

Grand, élancé, impeccablement vêtu, Hyppolite Delacourt était le seul médecin de la ville. Toujours souriant, affable, on l’adorait. Il habitait une belle maison, en face des Halles. Construite sur un petit monticule, il avait fait abaisser les murs du parc. Tous les mercredis, sur le marché des Bestiaux, les paysans pouvaient admirer l’imposante bâtisse. Par la large baie vitrée, on voyait souvent la domestique, tablier et petite coiffe blancs, épousseter les meubles ou frotter l’argenterie. Toujours le jour de marché.

Le mercredi, aussi, Hyppolite avait souvent une quelconque urgence. Il fendait la foule des paysans courbés, fier de ses bottes, de sa mallette et de la couleur de son cheval. Les trois d’un fauve du plus bel effet. Il saluait les uns, échangeait quelques mots avec les autres. A croire que le malade n’était pas si pressé…

Outre les soins qu’il pouvait délivrer, le docteur était essentiellement préoccupé par le souci de paraître et de se faire aimer. Il était bien avec tous les notables. Il accompagnait sa femme à l’église pour certains offices. Curieusement, il trouvait du temps libre lorsque l’église était pleine. Madame Delacourt était toujours élégamment vêtue. Accompagnée de son fils et de sa fille en bas âge, elle était plus discrète que son mari. Un peu dolente disaient certains.

Il y avait peut-être des raisons à cela. On aimait beaucoup le médecin mais de discrètes médisances couraient à son sujet. La fréquentation de quelques maisons douteuses, à la grande ville, par exemple. Les propos et les gestes, parfois un peu lestes du praticien, au cours des assemblées festives, alimentaient aussi les rumeurs. On n’était pas très loin de la réalité.

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 11:26
Le Champ des Martyrs…

La famille Le Toullenger…

Le choix des noms propres est fait à partir de véritables noms de familles gorronnaises de l’époque mais légèrement transformés (il existait une famille Le Boullenger). J’ai choisi une de ces familles de notaires, qui, sans être noble, jouait un rôle important dans la paroisse, notamment en administrant les biens des seigneurs de la ville.

Outre les membres directs de cette famille, avec leurs domestiques, le beau-frère du notaire aura un rôle important dans le récit puisqu’il s’agira du curé qui sera à la tête de l’expédition menée contre les protestants supposés envahisseurs de la contrée. J’en ai fait l’oncle et le parrain de Jean. Encore un clin d’œil à Jean-Jacques Garnier dont l’oncle et le parrain (Jean-Baptiste Galesne) était aussi curé de Gorron et parrain du jeune homme.

Au départ, les cinq autres enfants de la famille n’avaient que peu d’importance pour le récit. Mais nous verrons comment au cours de l’écriture, certains joueront un rôle au départ non prévu. L’évolution imprévue du récit, à partir d’une trame relativement succincte, caractérise ce genre d’écriture chez moi.

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6 décembre 2015 7 06 /12 /décembre /2015 12:09
La Pierre Tournante…

Les travers du maréchal des logis

C’est alors qu’il eut l’idée de tester son autorité sur d’autres personnes. Quand il paradait sur son cheval dans la Grande rue, il voyait bien qu’il effrayait certaines jeunes filles. Les plus pauvres souvent. Les autres s’amusaient plutôt. Et bien qu’il était persuadé de les impressionner, il ne se serait jamais risqué à les importuner. Les filles de notables sont intouchables. Il faut s’en méfier.

Les fileuses, les domestiques, voilà un bon gibier. Il se mit à patrouiller dans les quartiers excentrés. Du côté du Grand Moulin, du Moulin Perret… Avant, il réservait ces parcours à ses subordonnés. Ils virent, avec étonnement, son changement de programme. D’autant plus qu’il se proposait souvent d’effectuer seul la tournée.

Quand il revenait, le regard brillant et la joue rouge, ils se regardaient. Mais personne n’avait jamais osé en parler. Même si chacun avait en tête les images de filles troussées par un maréchal des logis congestionné.

Ce jour-là, Gaspard Rouillard s’ennuyait. Il consultait quelques documents. S’appliquait à remplir des formulaires d’une écriture hésitante mais qu’il voulait ornée. Toujours la hiérarchie. Une formule stéréotypée, pompeusement calligraphiée, pesait plus lourd qu’un effort de rédaction banalement tracé.

Il entendit appeler. Un de ces paysans loqueteux, qu’il ne pouvait s’empêcher de mépriser, tentait de l’informer. La tonalité, le patois, ne lui permettaient pas de bien saisir ce que le misérable voulait lui dire. Il comprit tout de même qu’un « grand malheur » venait d’arriver.

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6 décembre 2015 7 06 /12 /décembre /2015 12:06
Le Champ des Martyrs…

Le héros principal

Le cadre étant trouvé, bien que le narrateur soit extérieur à l’histoire, un personnage occupera une place centrale dans le récit. Il s’agira d’un jeune homme, Jean, dont les aptitudes intellectuelles exceptionnelles auront quelque chose à voir avec Jean-Jacques Garnier. Comme lui, il aura une mémoire exceptionnelle et se passionnera pour les lettres en général et la philosophie en particulier.

Afin qu’il reste au cœur de l’histoire, ses études secondaires se feront à Gorron même. Pour cela, il me fallait un collège sur place. Il se trouve que dans les bâtiments brûlés par les Huguenots de Domfront il était question du couvent situé près de l’étang au sud de la ville. Ce sera donc dans ce couvent que le héros poursuivra ses études.

Là s’arrêtera la ressemblance avec Jean-Jacques Garnier. Jean ne sera pas à l’abri des passions malgré la force de sa raison. Il rencontrera une jeune fille dans des circonstances très particulières que je ne dévoilerai pas ici. Le héros étant choisi, il fallait alors le faire vivre dans une famille gorronnaise. Nous verrons comment sera composée cette famille la semaine prochaine.

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 11:53
La Pierre Tournante…

Les complexes du maréchal des logis

Il souffrait notamment de la présence du Maire. Il avait beau bomber le torse, tendre le menton, il était toujours derrière le gringalet. Il méprisait le petit intellectuel. Mais, prudent, il se contenait. Avec ses gendarmes, par contre, il n’hésitait pas à se moquer du premier magistrat de la ville. Servilement, ces derniers riaient. Ils savaient pourtant que, dans l’instant, le Chef allait les rabrouer. Comme s’il avait eu peur d’aller trop loin. Il fallait alors marquer son autorité, persuadé que ses subordonnés seraient évidemment muets.

Il était marié. Une femme épaisse et sotte. Mais, comme souvent, le chef redouté filait plutôt doux dans son intimité. En contrepartie, il pouvait bénéficier des faveurs de madame. Il la besognait lourdement aux moments qu’elle avait choisis. Inquiet, ne sachant quel serait le délai pour un autre épanchement, il était emprunté. Rien n’allait. Et on le lui signifiait. Il faisait alors l’enfant. Le couple n’avait jamais pu en avoir. Ca amusait un temps sa femme. Mais il s’endormait ensuite insatisfait, humilié. Gare au lendemain de ces petites saynètes. Les pauvres gendarmes avaient intérêt à ne pas se faire remarquer.

Insensiblement les ébats s’espacèrent. Et puis, un jour, ils cessèrent. Sans autres explications de la part de la dame. Il remarqua seulement qu’elle fréquentait de plus en plus souvent l’église.

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29 novembre 2015 7 29 /11 /novembre /2015 11:50
Le Champ des Martyrs…

La sauvagerie des frères Le Héricé.

Après avoir retenu les deux événements historiques principaux sur lesquels reposera la trame du récit, il s’agit de les articuler. A priori, ils n’ont rien à voir ensemble puisqu’ils se sont déroulés à un siècle de distance. Le seul point commun étant un contexte de guerre de religion.

C’est là que commence le travail d’imagination. La sauvagerie des frères Le Héricé était expliquée par une imposition non payée par les bourgeois de Gorron. Cette explication historique me paraissait un peu faible. J’ai donc imaginé que le ressentiment des deux frères était plus personnel et expliquait leur acharnement à brûler les faubourgs de la ville.

Il me fallait, pour cela, placer l’épisode concernant l’expédition des bourgeois de Gorron contre de supposés envahisseurs hollandais dans le pays de Domfront où habitaient les deux frères avant l’attaque de la ville par les Huguenots. Je ne dévoilerai pas ici ce qui expliquera dans le roman ce ressentiment mais on découvrira pourquoi les Héricé se déchaînèrent contre les Gorronnais.

Une chronologie bouleversée, un épisode purement inventé, tout cela dans le cadre de faits historiques véridiques : voilà une première idée du travail d’imagination présidant à l’écriture du roman.

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 12:23
La Pierre Tournante…

Le maréchal des logis…

Il était maréchal des logis. Chef de la Brigade, grand, gros, fort… sûr de lui. Il avait mis du temps mais, enfin, il avait trouvé son image. Le poil ras, des moustaches cirées. Il portait fièrement le tricorne et gardait la main sur le pommeau de son épée.

Il avait un regret. La gendarmerie se situait dans une maison louée. Une façade sans distinction. Des locaux mal adaptés. Une salle de réunion au rez-de-chaussée. Pas de bureau personnel. Deux appartements à l’étage. Deux cachots à la cave. Un seul de ses quatre gendarmes logeait sur place. Les trois autres louaient en ville.

Il réclamait depuis très longtemps une véritable caserne. Pas trop fort car il avait peur de sa hiérarchie. C’est sans doute pourquoi il voulait avoir ses subordonnés à l’œil. Et avec ces logements dispersés…

Le seul avantage de la maison c’est qu’elle se situait dans le centre ville. Son seul vrai plaisir était de parader de la place du Marché au Chanvre jusqu’à l’église en passant par la Grande Rue et la place des Halles. Pour faire cette tournée il se faisait accompagner du plus jeune de ses gendarmes à qui on avait confié le cheval le plus laid. Toujours en tête, le chef faisait parfois faire un écart à sa monture. Et si quelques étincelles jaillissaient des sabots sur les pavés, il était satisfait.

Très sûr de lui, il avait un regard rusé, toujours en mouvement. Il était calculateur. Pratiquement sans culture, il tentait parfois de faire illusion. Humour ou ignorance crasse, il n’hésitait pas à se mettre en avant. En toutes circonstances, sauf s’il considérait que les notables présents pouvaient agir sur sa carrière. Là, il pouvait être humble, soumis mais le regard perçait sous les paupières à demi fermées.

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22 novembre 2015 7 22 /11 /novembre /2015 12:18
Le Champ des Martyrs…

L’expédition des bourgeois de Gorron

Récit de Mathieu Le Boullenger.

« … la plus grande partie des habitants et bourgeois de cette ville s’enfuirent avec leurs femmes et leurs enfants, et cachèrent et emportèrent le plus qu’ils purent de leurs effets et meubles, y étant épouvantés par le tocsin et son des cloches qui sonnaient non seulement ici mais en toutes les paroisses voisines. Et ceux qui restèrent et eurent du cœur prirent les armes et allèrent au-devant d’eux à la suite de messire François de Pennard, prêtre curé dudit Gorron, qui, montant à cheval à leur tête, après leur avoir donné une bénédiction générale, ils furent tous encore environ trois cents jusqu’aux landes de la paroisse de Lesbois où ils apprirent que c’était une fausse alarme ; quoi voyant, ils s’en revinrent tous à l’église de Gorron, où ils chantèrent un Te Deum en actions de grâce ; et, le dimanche ensuivant, ils firent des feux de joie dans une pièce de terre située derrière cette église où ils firent des décharges de coups de fusils, de manière que la pièce de terre a retenu le nom de prince d’Orange, qu’on l’appelle communément aujourd’hui. »

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Vous trouverez dans ce blog trois thèmes liés à l'histoire de la ville de Gorron. Les différents articles seront renouvelés régulièrement. Ceux qui auront été retirés sont disponibles par courriel à l'adresse suivante : jouvinjc@wanadoo.fr

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