Les ambitions du docteur
Etre bien avec tous les notables. Fréquenter l’église et son curé. Flatter la clientèle : on devait dire de lui « il n’est pas fier ». Remplacer le gringalet de Maire qu’il avait immédiatement méprisé. Ecraser ses confrères vieillissants par son savoir et briguer la présidence de leur association départementale. Il était sur la bonne voie. Il soignait même gratuitement quelques indigents que le curé lui recommandait.
Tout se déroulait comme prévu. Une seule inquiétude cependant. Vite dissipée, mais qui pouvait resurgir à tout moment. Ses conquêtes féminines. Il les considérait justifiées par le manque d’entrain de sa femme. Aucun remords, donc, de ce côté-là. Les jeunes paysannes délurées ne lui avaient, jusqu’à présent, donné aucun souci. Les notables non plus. Trop attachées à leur situation matérielle et pour certaines, réellement contraintes par la religion. Mais il y en eut une, tout de même, qui avait bien failli provoquer le scandale. La peur l’avait un temps freiné. Mais, bien vite, il avait repris ses habitudes. Sans douter que, finalement, il était le plus fort.
Il pensait à tout cela, ce mercredi, en demandant à sa jeune patiente de se rhabiller. Il entendit du bruit dans la cour. La domestique vint le prévenir que le maréchal des logis Rouillard voulait le voir dans l’instant.