Le maréchal des logis…
Il était maréchal des logis. Chef de la Brigade, grand, gros, fort… sûr de lui. Il avait mis du temps mais, enfin, il avait trouvé son image. Le poil ras, des moustaches cirées. Il portait fièrement le tricorne et gardait la main sur le pommeau de son épée.
Il avait un regret. La gendarmerie se situait dans une maison louée. Une façade sans distinction. Des locaux mal adaptés. Une salle de réunion au rez-de-chaussée. Pas de bureau personnel. Deux appartements à l’étage. Deux cachots à la cave. Un seul de ses quatre gendarmes logeait sur place. Les trois autres louaient en ville.
Il réclamait depuis très longtemps une véritable caserne. Pas trop fort car il avait peur de sa hiérarchie. C’est sans doute pourquoi il voulait avoir ses subordonnés à l’œil. Et avec ces logements dispersés…
Le seul avantage de la maison c’est qu’elle se situait dans le centre ville. Son seul vrai plaisir était de parader de la place du Marché au Chanvre jusqu’à l’église en passant par la Grande Rue et la place des Halles. Pour faire cette tournée il se faisait accompagner du plus jeune de ses gendarmes à qui on avait confié le cheval le plus laid. Toujours en tête, le chef faisait parfois faire un écart à sa monture. Et si quelques étincelles jaillissaient des sabots sur les pavés, il était satisfait.
Très sûr de lui, il avait un regard rusé, toujours en mouvement. Il était calculateur. Pratiquement sans culture, il tentait parfois de faire illusion. Humour ou ignorance crasse, il n’hésitait pas à se mettre en avant. En toutes circonstances, sauf s’il considérait que les notables présents pouvaient agir sur sa carrière. Là, il pouvait être humble, soumis mais le regard perçait sous les paupières à demi fermées.