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28 juillet 2013 7 28 /07 /juillet /2013 22:12

Les Noëls d’antan…

Je n’ai pas connu ces nuits merveilleuses au cours desquelles les familles quittaient les maisons parfois couvertes de neige pour l’église du village. Je dis merveilleuses car c’est le terme utilisé par les croyants qui fêtent la naissance du fils de leur Dieu. Notre conteur était de ceux-là. Il croyait dur comme fer à l’étable, le bœuf, l’âne et le petit Jésus né dans la paille. Il nous a fallu faire taire quelques mécréants qui remettaient joyeusement en doute la virginité de la mère et la conception divine. Mais quand notre pauvre camarade décrivit les lumières tremblotantes de la petite église, les fidèles rassemblés écoutant le prêche, la joie éprouvée pelotonné entre ses parents chaudement couverts, tout le monde se tut. Chacun revivait alors ces nuits de noël d’avant… Avant ce que ce Dieu, comme les autres, n’avait pu empêcher.

Chez moi, il n’était pas question de messe de minuit. Dans la famille Pouilleul, les superstitions étaient bannies. La raison, le savoir, l’Education… et le grand homme Hugo, chantre du progrès, occupaient toute la place. Il n’empêche que le 24 décembre on se couchait plus tard. Je crois même qu’on attendait l’appel des cloches, un peu gêné sans doute, de communier quand même avec ces pauvres naïfs soumis à l’Eglise et à l’ennemi clérical. Il y avait moins de gêne le lendemain quand maman préparait le repas annuel. On ne s’interrogeait plus sur la signification de ce festin, on le savourait. Tout comme je recevais, ému, les modestes cadeaux qui l’accompagnaient.

Quand j’ai vu le visage supplicié de notre conteur de la veille essayant désespérément de balbutier quelques mots, je n’ai pu m’empêcher de penser à son petit sabot déposé devant la cheminée. Ses yeux émerveillés d’enfant découvrant de pauvres friandises se tournaient vers les flammes du foyer qui dansaient dans ses prunelles. Maintenant, l’un était exorbité et pendait sur la joue souillée. L’autre était déjà mort comme voilé. J’aurais voulu avoir la force de l’achever et je crois bien que c’est ce qu’il demandait à travers ses bulles roses. Mais au lieu de cela, je fus subitement pris d’une quinte de toux qui me fit vomir. Je m’éloignais lâchement espérant qu’au retour les brancardiers seraient passés. Ce ne fut pas le cas et nous dûmes veiller le moribond pendant des heures dans notre casemate empuantie secouée par un nouveau bombardement, insensibles au calendrier.

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