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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 12:23
Le Taillis de la Mort…

Chapitre 4

Le ciel était gris. Pas de ces gris lourds, plombés, qui peuvent engendrer la tristesse, la perte de l’estime de soi et l’absence de désirs, de projets. Non, un gris doux, léger, teinté un peu de nostalgie, mais d’une nostalgie gaie, réconfortante.

Il décida de longer la rivière, vers l’entrée du Taillis. Il tentait de s’abîmer dans la contemplation du courant drainant brindilles et feuilles mortes. Un brusque tourbillon l’arrêtait parfois. Pourquoi certains éléments étaient-ils happés vers les profondeurs de l’eau et d’autres poursuivaient, avec une force renouvelée, leur chemin vers l’aval ? Il sentit que la métaphore allait jaillir, que l’intellect serait sollicité. Il respira profondément pour s’imprégner des odeurs humides. Ce matin-là, il ne voulait être que sensations, en contact direct avec cette petite parcelle de Monde où il se sentait si bien.

Ses pas le menèrent vers le haut du Taillis. Dans le chemin creux en pente, sur lequel il peinait, il maîtrisait encore son esprit. Dès qu’une pensée allait émerger, il recherchait, avec une énergie un peu ridicule, l’odeur, la couleur, la sensation, qui pouvaient la mettre à distance.

Cette lutte lui parut inutile et finalement un peu vaine. Quand il s’assit sur le banc, au pied des deux hêtres jumeaux, majestueux, plantés là depuis certainement plus d’un siècle, il laissa son esprit reprendre toute sa place. Comment un groupe de commerçants avait-il pu réaliser un tel projet : tracer et goudronner une piste de karting dans ce lieu jusque-là préservé ? Des dizaines d’années plus tard la nature était encore à l’œuvre pour réparer l’outrage.

Il détourna son regard des plaques de bitume qui résistaient encore à la végétation. Quelle pitié. Comment les deux ancêtres avaient-ils vécu le carnage ? Heureusement, eux, ne semblaient pas avoir trop souffert. Quelle force, quelle puissance. Un sentiment d’éternité qui le renvoya brutalement à sa pauvre condition. Il en était là de ses réflexions quand son regard fut attiré par deux cicatrices anormales sur chacun des troncs. Anciennes, sûrement, et pourtant, il ne les avait encore jamais vues. Des initiales, apparemment. Indéchiffrables. Mais aussi deux flèches convergeant vers le même point situé juste entre les deux arbres.

Il n’avait que ses mains, ce matin-là. Il déblaya fébrilement les feuilles et la terre noire. Un peu fébrilement il gratta, fouilla. Il lui semblait bien que quelque chose avait été enterré là. Il sentit l’excitation, l’envie et retourna rapidement à la maison. Il alluma la lampe verte. Le papier bleu l’attendait depuis quelque temps déjà. Et l’enchantement fut renouvelé.

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