Le journal de Renée Boullard
Vendredi 5 septembre 1755
Je viens de lire une de ces petites revues bon marché qui circulent en ce moment dans toute la France. Il s’agit d’une « mandrinade » qui raconte les exploits de Mandrin. Nous venons d’apprendre qu’il a été trahi par un des siens et qu’il a été mis à mort. Le supplice est atroce. Il a été roué vif. Attachée sur une roue, on lui brise les membres et la poitrine et il est exposé jusqu’à ce que mort s’en suive.
J’ai du mal à comprendre pourquoi il est besoin de faire souffrir atrocement le condamné à mort. Ôter la vie devrait suffire comme peine. Il se trouve que ce brigand, Mandrin, était plutôt bien aimé par certains car il s’attaquait essentiellement aux caisses des impôts. Et le prélèvement d’impôts est dénoncé comme excessif dans tout le royaume.
Au niveau de la paroisse, la grogne existe aussi. Mais les Gorronnais, mises à part quelques émotions liées au prix du grain, son plutôt calmes. Ils protestent surtout contre le côté injuste de l’impôt. Le clergé, par exemple, y échappe alors que les marchands, comme mon mari, peuvent être lourdement taxés.
Je vais sans doute avoir du mal à dormir. Je ne peux m’empêcher d’imaginer Mandrin. Il paraît qu’il n’avait pas peur de la mort. Il prétendait vouloir faire un mort libre et joyeux.