Le journal de Renée Boullard
Samedi 12 décembre 1750
Dans la paroisse, il y a quelques mendiants qui passent de villages en villages. Certains sont connus et on leur fait assez facilement l’aumône surtout quand ils sont accompagnés d’enfants. Quand ce sont des étrangers, souvent on les chasse car ils font peur. Il semblerait que leur nombre augmente, notamment dans les grandes villes. Il a été décidé de les arrêter et de les renvoyer dans leur paroisse d’origine. On en a donc vu arriver à Gorron que plus personne ne connaissait. Ils ont raconté que les enfants seuls étaient enlevés et qu’on ne les revoyait plus. Quant à certaines prostituées, elles sont embarquées pour la Louisiane.
Une belle mendiante rousse a bouleversé le bourg. Sa robe trouée laissait voir sa pauvreté mais aussi sa beauté. Personne ne la reconnaissait. Certains disaient qu’elle était la petite fille de marchands gorronnais, bourgeois respectés. Une déchéance rapide par une fille, placée comme domestique dans une riche maison de Paris, engrossée par le fils de famille. Fille de prostituée, son destin pouvait être tout tracé. Mais au port de sa tête, à ses yeux restés fiers, on pouvait comprendre qu’elle avait toujours refusé de se vendre malgré la misère endurée.