Le journal de Renée Boullard
Jeudi 16 décembre 1784
Pour la première fois, une femme est montée dans la nacelle d’un ballon. Dans certains milieux, cela a fait scandale. Je n’aurais pas le courage de réaliser des exploits pareils. Surtout à mon âge et avec mes douleurs qui reprennent. Il y a juste un mois, j’ai subi une furieuse attaque. Notre pauvre médecin ne savait plus quoi faire. Notre curé, lui, ne s’est pas posé de questions. Il a débarqué à la maison avec ses huiles, accompagné de quelques pleureuses en noir. Je les ai mis dehors, au grand désespoir de mon mari.
Je trouve que ces cérémoniaux, aux portes de la mort, sont de véritables supplices pour les mourants. Je suis persuadée que chacun, confronté à sa propre disparition, n’y croit jamais tout à fait. Cette fois, j’avais raison d’espérer encore. Il faudra bien cependant que cela arrive. Mais jusqu’au bout, l’espoir permet de repousser l’échéance fatale. On devrait entretenir cet espoir au chevet du malade plutôt que renforcer l’horreur du dernier moment.
On nous dit que c’est pour se mettre en paix avec soi-même, de se faire pardonner ses péchés. Mais si Dieu est juste et bon comme on le prétend, il devrait pouvoir lui-même faire le tri. Tant que la maladie et la mort n’auront pas éteint le feu qui continue à vivre, laissons-le flamboyer jusqu’aux dernières braises.