Le journal de Renée Largerie
Dimanche 17 novembre 1720
La ferme royale est en pleine réorganisation. Mon mari est très préoccupé. Il craint pour son emploi. Il a invité un jeune collègue à dîner la semaine dernière. Un parisien chargé d’appliquer les consignes données par le nouveau responsable de la ferme. Je n’avais jamais vu Gaspard dans un état pareil. A trop vouloir satisfaire le jeune homme, dont il craint le jugement, il se laisse aller à une flatterie déshonorante.
Le flatté, lui, jouit manifestement de la situation. Il se conduit comme en pays conquis. Au cours du dîner, il tentait manifestement de me séduire. Depuis le bal donné aux halles je prends soin de mon apparence. Et je dois avouer que l’attention que les hommes peuvent me porter me flatte et me rassure. Faiblesse féminine, sans doute. Mais il y a des limites. Quand j’ai senti le pied du jeune présomptueux s’approcher du mien sous la table, ma réaction a été suffisamment claire pour qu’il ne renouvelle pas son geste. Tant pis pour Gaspard.
Dans d’autres circonstances, qu’aurais-je fait ? Je rêve parfois à un jeune homme modeste et beau, auquel j’apprendrais la douceur des gestes qui peuvent combler une femme. Je dénuderai son corps mince et vigoureux, guiderai sa main et mon regard, par sa franchise, l’étonnera, j’en suis certaine.