Le journal de Renée Largerie
Dimanche 31 mars 1720
Nous venons d’apprendre un bien triste nouvelle. Un neveu du baron de Gorron était impliqué dans la conjuration de Pontcallec. Une sombre histoire de révolte fiscale se transformant en trahison en lien avec les Espagnols. C’est mon mari, Gaspard, qui m’a raconté le projet de nobles bretons de renverser le Régent avec l’aide de l’Espagne. Arrêté au château de Pontcallec avec plusieurs dizaines de conjurés, Guillaume du Bailleul a été condamné à mort. On a raconté à Gaspard l’exécution sur la place du Bouffay à Nantes. Les suppliciés ont échappé à l’écartèlement grâce à leur condition de nobles. Ils ont fini décapités. Il paraît que le jeune du Bailleul a montré beaucoup de courage.
Je ne connais rien aux affaires politiques. Mais la peine de mort m’a toujours révoltée. Même pour les pires criminels. Nous savons tous que nous allons mourir. Mais Dieu, dans sa bonté, nous en a caché la date. Je pense que le condamné qui connait l’heure fatidique, vit quelque chose d’inhumain. J’imagine l’horreur qui s’empare de lui quand, au bord du gouffre sans profondeur, il croit y voir de large yeux phosphorescents, des monstres visqueux qui dans une nuit insondable l’attendent sans bruit.