« Le parrain rouge – Pierre Lambert, les vies secrètes d’un révolutionnaire » (François Bazin)
Pierre Boussel est plus connu sous son pseudonyme Pierre Lambert. Un personnage incontournable dans l’histoire des mouvements politiques de la seconde partie du 20ème siècle. Trotskyste, convaincu (on veut bien l’espérer) que la révolution est proche malgré les faits qui démentent cette affirmation.
Adepte du secret, de la manipulation, de l’entrisme des trotskistes dans les partis et les syndicats, il a consacré sa vie à cette utopie révolutionnaire. En ce sens, il peut paraître sympathique et sincère. Mais ses manœuvres, son sectarisme, son ego peuvent en donner une autre image. L’exercice d’un certain pouvoir ne passe-t-il pas avant ses convictions militantes ?
Je pense aux militants sincères de base, pas au fait des luttes internes au trotskisme, à ses exclusions, ses scissions qui ne connaissaient pas toujours les changements de positions des « chefs ». Le rejet actuel des politiques, des syndicats, peut s’expliquer par ces professionnels de la politique qui s’agitent dans l’ombre pour des raisons douteuses.
Le roman commence comme un policier. Avec tout de même un shérif atypique : forte femme homosexuelle. Puis la construction du récit (quatre parties correspondant aux quatre saisons) avec quatre narrateurs aux personnalités intrigantes, annonce autre chose qu’un banal polar. D’autant plus que la recherche au niveau du style pour chacun ne peut être que le travail d’une écrivaine de talent.
Tout cela n’enlève rien au suspens qui maintient l’intérêt du lecteur. Suspens qui s’inscrit dans une petite ville américaine, Mercy, dont l’atmosphère d’ennui, de mesquinerie est particulièrement bien rendue.
Marie Vingtras a connu un beau succès avec son premier roman, Blizzard (que j’ai hâte de lire), nul doute que celui-ci (prix du roman FNAC) connaitra le même succès.
« Au pays du mépris – voyage dans l’arrogance à la française » (Martin Winckler)
Une charge un peu lourde contre la France et les Français. Parfois un peu excessive, simplificatrice. Notamment dans la dénonciation des élites méprisantes envers le petit peuple. Il n’empêche qu’à partir de ses propres expériences, Winckler décrit des mécanismes soutenant l’arrogance et, effectivement, le mépris de certains de nos dirigeants politiques et de nos élites intellectuelles.
On retrouve ces mécanismes dans le milieu médical (études et pratiques), le milieu littéraire, dans lesquels l’auteur a pu les observer de l’intérieur. Vivant désormais au Canada, il compare avec ce qu’il a vécu en France, qui n’est pas à l’avantage de notre pays. Heureusement, il est capable de se critiquer lui-même et son récit semble sincère.
Cela dit, il a dû se mettre à dos beaucoup de monde avec ce pamphlet. D’autant plus qu’il semble se situer nettement à gauche, proche de La France Insoumise. Une tare majeur pour certains. A noter qu’il utilise l’écriture inclusive ce qui ne gêne pas fondamentalement la lecture comme on veut bien le dire.
Les critiques sur la forme que j’ai pu faire sur le Goncourt de Kamel Daoud, je ne les ferais pas sur celui des lycéens de Sandrine Collette. Pas de complications dans le déroulement du récit qui est chronologique. Ce qui n’empêche pas les rebondissements, les changements de narrateurs. Quant au fond, le texte peut être aussi dense et profond mais sans difficulté de lecture.
Bien que non précisé, l’histoire se déroule sous l’Ancien régime. Peut-être pendant un hiver terrible comme celui de 1709, par exemple. Nous sommes plongés dans un lieu reculé, perdu dans la nature parfois hostile. Des personnages arrivent dans de tout petits groupes familiaux, notamment Madelaine. Les liens qu’ils tissent avec les membres de ces familles révèlent des relations qui ne peuvent être dites.
Ces éléments étrangers font parfois exploser les systèmes figés et peuvent créer des drames. Sandrine Collette écrivait des romans noirs. Ça se voit. Mais on est bien au-delà d’une simple histoire policière.
Souvent des auteurs, pour assoir leur statut d’écrivain talentueux, complexifient la structure de leurs romans : pas de déroulement chronologique, retours en arrière, changements de narrateurs… C’est ce que fait Kamel Daoud qui vient d’obtenir le prix Goncourt. Le nombre de thèmes abordés : le religieux avec la notion d’offrande par égorgements, la culpabilité, le politique… complexifie encore l’ouvrage. Mais, en même temps, en fait l’intérêt.
Une jeune femme enceinte parle à son fœtus qu’elle s’apprête à faire disparaitre par avortement. Victime de la guerre civile algérienne (dix ans de massacres entre l’armée et les Frères musulmans), elle a été égorgée et porte une longue cicatrice qui rappelle à tous ces atrocités. Elle veut retrouver le village et la famille où a eu lieu le drame.
Un argument original et très séduisant. Mais si le lecteur accepte de faire un travail quand le texte est un peu trop lourd, il y gagne en plaisir de lecture.
Un roman foisonnant qui a certainement nécessité une grande préparation. Au centre : la Nouvelle Calédonie. Topographie, histoire, faune et flore. Sans compter la culture Kanak et l’arrivée des bagnards… Mais aussi, des styles différents, une construction sophistiquée. On voit même apparaître l’autrice, directement narratrice, qui s’adresse à ses propres personnages. De nombreux thèmes sont abordés. Alice Zéniter évoque même dans ses remerciements l’émergence de l’inceste non prévue dans le projet initial.
J’étais intéressé par le territoire, les Kanaks mais aussi les bagnards. Notamment les passages sur Louise Michel et les Kabyles exilés. Il y a bien tout cela dans le roman. J’aime l’autrice et je suis son œuvre. Mais, cette fois, j’ai eu le sentiment qu’elle en faisait trop. Son talent est évident mais je suis un peu gêné qu’elle l’étale autant. Par exemple le choix du trou d’eau dans lequel le personnage principal tombe et qui fait émerger l’histoire possible de ses ancêtres kabyles m’a paru un peu artificiel.
19ème siècle aux USA. Un chirurgien directeur d’asile de femmes aliénées, pratique des « expériences » délirantes, sadiques, humiliantes et douloureuses sur ses patientes. Tout du moins vues avec nos connaissances actuelles.
Une magistrale description de la dérive psychologique d’un homme humilié par son père et sa belle-famille. Opposé à l’esclavage, la servitude sous contrat, il finit en bourreau persuadé de découvrir des traitements pour soigner la folie féminine. Dans sa recherche de respectabilité, de reconnaissance dans le milieu scientifique, il sombre dans un délire bien socialisé à l’époque.
Il faut le talent de Joyce Carol Oates pour mener à bien un tel roman. Des croisements de points de vue. Plusieurs narrateurs à la première personne. Au-delà des descriptions parfois difficilement soutenables des fameuses « expériences » dont le chirurgien est très fier (et dont il publie les compte-rendu dans des revue scientifiques), sa relation à une servante sous contrat rend bien compte des perturbations profondes de la personnalité de ce chirurgien.
Un recueil de poèmes. Pourquoi j’ai aimé ses textes ? Sans doute parce qu’elle peut dire : « pour moi, la forme n’est pas un but ». Pour elle, un poème doit raconter une histoire, avec un début et une fin. Mais, en plus, les thèmes qu’elle traite, me conviennent. La disparition de sa grand-mère (d’où le titre), l’attachement, l’amour. Mais aussi les paysages, les lieux de son enfance et sa jeunesse. Cette fidélité, ce besoin de retours, le refus de s’immerger dans le milieu littéraire parisien tout en étant reconnue et prolifique.
Sa poésie, notamment, elle a réussi à l’imposer en passant, au début, par les réseaux sociaux. Mais c’est également une romancière ayant obtenu plusieurs prix. Je me sens assez proche de cette femme remarquable. Seule son addiction à la course à pied m’étonne un peu.
Un exemple de décalage (fréquent pour moi) entre la présentation de l’ouvrage par les critiques ou l’autrice elle-même et la lecture dudit ouvrage. Il devait être question de l’interrogation sur la ruralité, les notions de classe et de genre, l’industrialisation, la relation au vivant, l’enfance, les traditions, la transmission…
Je me suis retrouvé devant un recueil poétique avec, parfois, quelques mots seuls sur une page blanche, des fragments pour moi abscons. La poésie ne s’explique pas. Elle se ressent. Soit. Il faudrait sans doute ne pas lire ce livre en continu. Et surtout y revenir pour l’apprécier. Mais ce n’est pas ce que j’attendais.
Succès énorme à l’époque, jalousé par d’autres écrivains et démoli par des critiques. Eugène Sue est le roi du feuilleton. Le découpage de ce premier tome, l’apparition des personnages, les retours en arrière, tout est fait pour tenir le lecteur en haleine. Le dépaysement aussi. On plonge dans les bas-fonds où grouillent des personnages peu recommandables. L’auteur a recours à l’argot. Mais, en parallèle, émergent des personnages lumineux pleins de bons sentiments.
Le narrateur extérieur s’adresse parfois directement au lecteur, lui rappelant certains éléments lui permettant de ne pas perdre le fil du récit ou en annonçant d’autres. C’est sans doute pour toutes ces raisons qu’Eugène Sue ne peut se hisser au niveau de Flaubert, Balzac ou Zola. Ce qui m’empêchera de poursuivre la lecture des autres volumes n’est pas ce jugement sur la qualité de l’écriture. Mais les multiples dialogues, les rebondissements spectaculaires ont fini par un peu me fatiguer.
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