Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1870
Le 19 juillet 1970, la France déclare la guerre à la Prusse. L’Empereur Napoléon III prend la tête de l’armée à Metz. Dès août, les Prussiens entrent en Alsace. L’armée française est défaite. Le 2 septembre, l’Empereur signe la reddition. Il est considéré comme prisonnier de guerre. Le 4 septembre la IIIème République est proclamée. La guerre continue et Paris est assiégé. La jeune République tente de s’opposer à l’avance des Prussiens. Mais les défaites se multiplient. La capitulation sans condition du maréchal Bazaine à Metz illustre les difficultés qui s’accumulent sur la France
La guerre contre la Prusse et la défaite rapide de la France a bouleversé notre quotidien. Les Prussiens étaient arrivés jusqu’en Mayenne. Dans chaque canton, des bataillons de défense civiles étaient organisés. La guerre s’est arrêtée avant et nous n’avons pas connu de combats à Gorron. Par contre, une violente épidémie de variole a décimé une partie de la population. La municipalité a donné du travail aux nécessiteux. Ils ont agrandi le cimetière pour accueillir les sépultures des nombreux défunts.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1869
Un scandale commence à enfler à Gorron. Lors de la démolition de l’ancienne église, il a été décidé de créer un nouveau cimetière. Dans l’ancien, il existait de nombreux monuments essentiellement en granit venant de nos carrières au sud de la ville. Ces monuments ont été détruits et les pierres imposantes ont été dispersées dans les commune environnantes. Jusqu’à Mayenne. Leur utilisation, souvent profane, scandalise certaines familles. Mais il y a plus grave. Les ossements de nos ancêtres ont été entassés, n’importe comment, dans une fosse commune, sans aucun respect…
Au niveau national, les élections législatives montrent un renforcement de l’opposition républicaine à l’Empire. Les ouvriers s’organisent de plus en plus efficacement. Des caisses de secours mutuel sont créées. Des grèves importantes éclatent pour la réduction du temps de travail, l’augmentation des salaires. La répression parfois meurtrière par la troupe ne réussit pas à réduire ces luttes. Il semble bien que l’Empereur hésite entre une plus grande liberté et le maintien d’un ordre strict.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1868
On a installé de nouvelles pompes dans les rues de Gorron. Le froid très vif du début de l’année en avait abîmé quelques-unes. Pas assez protégées sans doute.
Chaque jour, on voit des femmes porter leurs seaux et leurs brocs. Pourquoi toujours des femmes ? Les hommes prétendent que cela leur permet de bavarder. Ils feraient mieux de les aider. Ils disent qu’ils ont à s’occuper des armes de la Garde mobile pour lesquelles on cherche un local pour les remiser. Une tâche plus noble selon eux.
Notre empereur semble vouloir libérer un peu la presse. Des hebdomadaires opposés à l’Empire sont créés, comme la Lanterne d’Henri Rochefort. Par contre il se méfie toujours des revendications ouvrières. Il vient de dissoudre la section française de l’Internationale Ouvrière.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1867
Notre ville change de visage. La nouvelle mairie trône place des Halles. Elle est impressionnante dans sa forme orthogonale. On va y installer une horloge. Nous entendrons sa cloche qui, pour un temps, va remplacer celle de l’ancienne église. Finalement, la nouvelle église sera construite dans l’ancien cimetière qui jouxtait le vieux bâtiment.
La révolte gronde chez les ouvriers et les artisans parisiens : des associations ayant parfois des liens avec d’autres associations ouvrières étrangères, s’organisent. L’exposition universelle, que j’ai pu visiter, à tout de même eu lieu sans incidents. Mais l’organisation des travailleurs sous forme de différentes mutuelles semble bien un mouvement de fond.
Notre Empereur semble décidé à donner plus de liberté aux Français. Mais il ne pourra pas, pour autant, empêcher son opposition de se renforcer.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Guerre au Maxique
Décembre 1866
Un débat anime les conversations dans la ville. Il s’agit de construire une nouvelle église en remplacement de l’ancienne qui doit être démolie. Le maire, monsieur Péan, voudrait qu’elle soit construite place des Quatre Piliers. Son accès serait facilité, contrairement à ce qu’on connait actuellement. La montée à l’église se fait par de petites rues (les Chauvinettes, la Cour de Forges, la Croix) peu aisées.
Nous avons vu deux personnes emmenées à l’asile de la Roche-Gandon à Mayenne, atteintes d’aliénation mentale. Il faut bien faire quelque chose mais ce sont toujours des spectacles bien triste.
L’armée française a finalement été battue au Mexique. Une aventure qui s’est terminée d’une façon pitoyable. Que sommes-nous allés faire dans un pays aussi lointain ?
Nous ferions mieux de nous occuper de l’enseignement pour tous. Plus les gens sont instruits, moins ils devraient avoir recours à la violence. Même si des avancées ont lieu dans le domaine. Toute agglomération de plus de 500 habitants devront désormais avoir une école de filles. Une bonne initiative.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Le Printemps
Décembre 1865
Des projets de constructions importants à Gorron font beaucoup parler dans la ville. Il est question de démolir les Halles et de les remplacer par une mairie. L’ancienne église elle-même devrait être rasée et remplacée par une imposante construction, au plus haut de la ville.
J’aimerais bien me rendre une nouvelle fois à Paris. Un nouveau grand magasin vient d’être créé. Il s’appelle Le Printemps. Il paraît qu’il est très impressionnant.
Une épidémie de choléra s’est déclenchée à Marseille. Elle nous vient d’Egypte. En 166 jours, elle a fait 2037 victimes. Bien que cela soit bien loin de chez nous, toute épidémie engendre une forte angoisse dans la population. Il nous arrive, comme partout en France, de subir ce genre de calamités. Une simple dysenterie qui entraîne déjà de nombreux morts, notamment chez les enfants, peut à tout moment s’avérer être le choléra. On prie alors. Mais cela suffit rarement.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1864
Devant la chapelle du Bignon, il a été décidé de planter des arbres qui forment désormais un parc dans lequel je vais souvent m’asseoir pour lire. Certains ont pensé que c’était une dépense inutile. Notre maire M. Péan-Launay y tenait. Il a eu bien raison.
Dans la lutte contre la criminalité, on a construit un bagne en Nouvelle Calédonie, une de nos nombreuses colonies. Les braves gens sont soulagés. Ils ont l’impression que, débarrassés des mauvaises personnes, la vie sera calme et sereine. J’ai bien peur que le crime soit le lot de l’humanité et qu’il ne disparaîtra jamais.
La grande cathédrale Notre Dame de Paris a été restaurée par Violet Leduc. Elle a dû être officiellement consacrée après ces importants travaux.
Une association internationale des travailleurs vient d’être créée à Londres. Elle fait peur à beaucoup de bourgeois, notamment chez mes proches. Mais la condition ouvrière est telle qu’on peut comprendre que les travailleurs eux-mêmes tentent de se défendre.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1863
Un nouveau curé est arrivé à Gorron, l’abbé Lelasseux. C’est toujours un événement dans la ville. Il va occuper une place tellement importante. Des comparaisons sont déjà faites par rapport à son prédécesseur. Plus gentil, moins gentil. Plus sévère, moins sévère. Moi, il ne m’a pas fait mauvaise impression. Et comme j’ai toujours pris mes distances avec les prêtres, cela ne me préoccupe pas beaucoup.
Mon mari m’a fait un beau cadeau. Le dictionnaire de la langue française de Littré. Je passe parfois des heures à feuilleter l’ouvrage. Au-delà de mots inconnus pour moi, il fourmille d’informations qui m’enchantent. Cette année, décidément, il a été très généreux envers moi. Nous sommes allés à Paris visiter les salon officiel. Mais c’est surtout le salon des refusés, qui ne sont pas retenus pour l’officiel, qui m’a intéressée. Le tableau Le déjeuner sur l’herbe de Manet a fait scandale. Cela m’a bien amusée.
La guerre au Mexique fait toujours rage. Comment cela va-t-il se terminer ?
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Décembre 1862
Je passe de plus en plus de temps à lire. Un dépositaire de journaux me permet de commander des ouvrages. Et quand je me rends dans sa boutique, c’est un moment qui enjolive ma vie. Je reviens chez moi avec le livre qui va me faire passer de belles heures. A l’abri du monde et de sa réalité angoissante. A l’abri, aussi, je dois l’avouer, des petites contraintes familiales qui souvent m’ennuient.
Cette année j’ai pu lire les Misérables de Victor Hugo. Je me suis plongée avec plaisir, parfois effroi, dans ce roman qui m’a permis de découvrir des vies que je ne connaissais pas bien, comme celles des habitants des grandes villes. La pauvre petite Cosette m’a fait pleurer. J’ai aussi découvert Ernest Renan qui a eu quelques ennuis du fait de sa liberté d’esprit, notamment en ce qui concerne l’image de Jésus.
Mais je ne peux totalement oublier la répression des typographes dont j’ai parlé l’année dernière. Certains ouvriers se sont retrouvés en prison. Ni ce qui se passe au Mexique où nos militaires se battent pour des raisons qui me dépassent.
Le journal de Marie Constance Péan (épouse Charles Boullard)
Julie Victoire Daubié
Décembre 1861
Un missionnaire a été décapité en Chine. L’émotion a été très forte en France. L’horreur m’a aussi saisie. Mais je continue à penser que la volonté de certains d’occuper et de soumettre d’autres pays à nos intérêts est condamnable.
Les femmes peuvent accéder à des métiers réservés jusque-là aux hommes. C’est pour moi une bonne chose. A condition qu’elles ne soient pas employées avec de plus bas salaires et les remplacer. Une femme pour la première fois a obtenu le bac. Il s’agit de Julie Victoire Daubié. Je m’en réjoui bien que je sois moi-même bien ignorante.
L’année se termine par l’entrée dans une nouvelle guerre. Le Mexique n’aurait pas réglé une dette envers la France. Je ne connais rien à cette affaire mais je constate, une nouvelle fois, que nous avons tendance à dominer des pays qui ne nous ont rien demandé.
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Principalement axé sur l'histoire locale (ville de Gorron), ce blog permettra de suivre régulièrement l'avancée des travaux réalisés autour de ce thème.
Vous trouverez dans ce blog trois thèmes liés à l'histoire de la ville de Gorron. Les différents articles seront renouvelés régulièrement. Ceux qui auront été retirés sont disponibles par
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