Quatrième et dernière partie de « Saga Gorronnaise ».
Nous sommes à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le maire de Gorron de l’époque s’engage dans un travail de recensement des différents écrits laissés à la mairie par des Gorronnais soucieux de préserver l’histoire de « leur pays ».
1.
Il était quatre heures et quart, peut-être et demie. Aucun rai de lumière à travers les persiennes. Les repères qui, depuis des années, permettaient un réveil en douceur, étaient absents. Et avec cela, un sentiment d’étrangeté légèrement angoissant. Ma chemise était mouillée. Une transpiration abondante, une odeur inhabituelle. Je suis resté quelques instants sans bouger puis l’humidité me fut insupportable. Je quittai ma chemise, me séchai vigoureusement. Pas de tremblement, pas de fièvre. Je me recouchai, intrigué, cherchant un sommeil difficile à retrouver. Ce matin, en me levant, tout semblait rentré dans l’ordre. La chemise était sèche. Mon pied commençait à me faire souffrir un peu. Je fus presque content de retrouver ce compagnon plutôt encombrant auquel il avait bien fallu s’habituer. Un rêve me revint. Je marchais sur une plage. Il faisait un peu gris, quelques gouttes même tombaient. Le sable, par endroits sec et fuyant, puis humide et lourd, n’entravait en rien ma marche. Une légèreté hors du commun. Un bien-être qui ne pouvait exister que dans les rêves…
Je finissais mon petit-déjeuner quand la radio confirma une information évoquée la veille : l’Allemagne venait d’entrer en Tchécoslovaquie. La réception n’était pas très bonne. Je compris tout de même qu’Hitler avait exigé du chef de gouvernement, Hacha, une soumission totale. La Bohème et la Moravie devenaient protectorat allemand. La Slovaquie, un pays satellite de l’Allemagne. Je comprends les efforts de la France pour éviter la guerre. Il suffit d’être allé, en tant que maire, annoncer le décès d’un enfant à une famille terrorisée pour approcher l’horreur de cette folie humaine. Même si on ne l’a jamais vécue soi-même. J’ai défendu les efforts de notre gouvernement face aux va-t-en guerre toujours prêts à en découdre avec nos ennemis héréditaires. Comme si, pour exister, une nation avait besoin de lutter contre une autre. Besoin d’avoir sous la main un bouc émissaire, de préférence assez proche. Les guerres civiles sont souvent les plus dures…
Je descendais vers la place de la Houssaye, espérant que l’Ouest-Eclair aurait des informations plus précises sur ces mouvements de troupes entrées à Prague, quand je croisai une des sœurs Lerpin. Elle ne devait pas connaître les événements inquiétants qui se déroulaient en Europe car elle semblait radieuse. Elle m’avait déjà fait part de son travail historique sur la commune. Elle me le promettait depuis si longtemps que je n’y croyais plus guère. Or j’avais dans les mains un manuscrit à la calligraphie appliquée. Un poème en ouverture : « De mon pays j’aime l’histoire, j’aime le sol, j’aime le nom. Du passé, je garde mémoire, je suis fière de son renom. »