Le journal de Renée Largerie
Samedi 01 septembre 1708
Depuis la mort de Joseph, notre famille a connu des bouleversements. Il y a eu, tout d’abord, notre déménagement pour Gorron. Gaspard a gardé sa maison d’Ernée et l’a confiée à sa vieille domestique. Leur séparation a été très émouvante et j’ai dû faire des efforts pour ne pas montrer le plaisir que je ressentais à retourner dans ma ville natale.
Notre nouvelle maison est au centre d’un petit parc, modeste mais où la variété des plantes est importante. Je n’aurai pas besoin de prendre un jardinier. Jeanne nous a rejoint avec une joie débordante. On lui a réservé une chambre au dernier étage de la maison. Elle a retrouvé François et Louise, mes enfants Feuillet, avec beaucoup d’émotion. Mais c’est sans doute notre petite Marie Anne, née le 19 août dernier, qui l’a le plus émue.
En la voyant s’occuper de notre nourrisson, je faisais le bilan de ma vie de femme. Six enfants déjà dont trois décès. Rien de bien exceptionnel mais ces décès, sans compter celui de mon premier mari, m’ont marquée. Il est des moments, notamment quand le ciel embrumé de pluie diffuse une lueur vaporeuse, où je sens m’envelopper comme un linceul rappelant le tombeau.