Samedi 24 mars 1703

Depuis plusieurs semaines, une épidémie mystérieuse s’est abattue sur les nouveaux nés. Une dysenterie foudroyante se déclarant dès le lendemain de la naissance. Les chirurgiens, et même les médecins de la ville, appelés par les familles les plus aisées, furent impuissants. Le glas ne cessa de sonner et le fossoyeur dut faire appel à son fils pour creuser les petites fosses.
Face à l’hécatombe, les familles se tournèrent vers l’Eglise. Il y eut même des processions implorant le secours divin. Le curé finit par renvoyer la faute sur le manque de ferveur de ses ouailles quand la vie leur paraissait facile. La responsabilité des Hommes permet ainsi de ne pas s’interroger sur la volonté divine.
La vieille sorcière a été, elle aussi, souvent sollicitée, même si les prêtres interdisaient cette pratique diabolique. Ses échecs finirent par exaspérer. Et, comme pour réduire leur faute, les mêmes familles finirent par se retourner contre elle. Non seulement elle ne guérissait pas mais on la soupçonna d’avoir jeté un sort aux villageois.
Les témoignages se multiplièrent. On l’arrêta. J’ai appris qu’hier on l’avait menée au bûcher. L’évêque lui-même assistait au supplice. On a raconté que la petite vieille chemina stoïque et sans plainte et que son œil, semblable à celui d’un vieil aigle, chercha le regard du prélat jusqu’au moment où les flammes léchèrent ses pauvres pieds.