Le journal de Renée Largerie
Mardi 21 juin 1701
Ce matin, je me suis rendue à la Renardière avec le même enthousiasme que celui du premier jour. Avec, en plus, le sentiment de progresser dans mon travail d’aide à la maîtresse. Scholastique Lemoine semble très satisfaite de mon aide. Elle aurait pu être un peu jalouse de la relation chaleureuse qui s’est nouée entre les élèves et moi. Au contraire, elle m’a confié quelques petites tâches d’enseignement. Je suis chargée, notamment, des cours d’écriture aux filles les plus grandes. Cela m’a obligée d’améliorer la mienne. Je m’aperçois que sur mon journal, les progrès sont sensibles. Plus assurée, plus régulière, les taches d’encre sont moins nombreuses et j’en suis ravie.
Mais ma belle humeur s’est brutalement dégradée. Depuis quelques jours déjà, Monsieur Tillet, contrôleur ambulant de la généralité de Tours, séjourne à Gorron. En fin de matinée, il est venu à la Renardière pour inspecter l’école de filles. Depuis plusieurs années déjà, une salle de classe avait été construite, adjacente à la maison servant d’école et d’habitation à la maîtresse et à sa compagne. Le curé Le Picard, qui l’accompagnait, était plutôt fier de montrer le petit établissement qui voyait son effectif augmenter régulièrement. Sa surprise fut très grande quand il entendit le contrôleur reprocher la construction de la nouvelle salle. On ne savait pas, alors, qu’une autorisation aurait dû être demandée au préalable à l’Intendant de la Généralité.
Je fus, moi-même, prise dans les reproches de Monsieur Tillet. Cette fois encore, on aurait dû signaler le remplacement de la compagne défunte auprès de la Généralité. Toutes ces infractions, pour nous bien anodines, ne l’étaient pas pour le contrôleur. Si la classe peut être conservée jusqu’à régularisation, il me faut arrêter immédiatement mon travail. Ce soir, ma tristesse est bien grande. Et je me tourne vers la lune, assise devant ma fenêtre. Les larmes qui tombent de mes yeux tristes ont la couleur d’opale de l’astre qui m’apaise.