La tentation de Gaspard
La catastrophe redoutée était arrivée. Gaspard Rouillard relisait, les mains tremblantes, le rapport du second médecin. La jeune femme était bien morte avant d’avoir été jetée à l’eau. Tuée, vraisemblablement à coups de pierre. Quant au bébé, lui, il s’était bien noyé après avoir été attaché sur le ventre de sa mère.
Comme un insecte dans un bol de lait. Le maréchal des logis sentait l’épaisseur du liquide et sa lente immersion. Et, dans ce cas, il se débattait. Furieusement. Ce ne fut pas la dernière recrue qui arriva dans la pièce à ce moment-là. Tant pis pour son vieux collègue et un peu ami. Il entra dans une violente colère qui surprit le gendarme qui, pourtant, commençait à bien le connaître. Une mauvaise foi inattaquable. Des propos décousus, un discours mal contrôlé. Et des gestes désordonnés. Gaspard connaissait bien cette panique qui l’envahissait. La dernière fois, à sa grande surprise, ce fut sa femme qui en fit les frais.
Il avait repéré, lors de sa parade hebdomadaire, place des Halles, une jeune fille à son goût. Il avait fait sonner les fers de son cheval. Avait frôlé la robe de la petite ouvrière, affolée, avec l’arrière de son cheval. Il la connaissait vaguement. Un père tisserand, une mère fileuse, rue du Ponceau lui semblait-il. Les mouvements du cheval entretinrent chez Gaspard l’excitation déclenchée par la rencontre, jusqu’à l’arrivée à la gendarmerie.
Il prit plusieurs fois la tournée dans les faubourgs, à la surprise de ses subordonnés écartés de la corvée. Il n’avait toujours pas revu la jeune femme jusqu’à un après-midi orageux. L’averse éclata brutalement. Il vit une silhouette courir sous la pluie vers une vieille grange, près de la rivière. Il n’était pas très sûr. Il dirigea son cheval vers l’abri.