Le drame
Après quelques mois d’excitation chez Adèle, et des visites de plus en plus fréquentes chez le médecin, tout se dégrada. Hyppolite Delacourt était de plus en plus occupé et espaçait les consultations de ses neurasthéniques. Adèle avait perdu tout son entrain. Elle devenait même aigrie, voire méchante. Les scènes avec son père se succédaient. Au début de la grossesse, Auguste voulait tout régenter. Ce serait un petit-fils. Il lui promettait un bel avenir. Et plus il paradait, plus Adèle se fermait.
Elle revint un soir de chez son père, complètement bouleversée. Elle garda la chambre pendant plusieurs jours. Et on ne vit plus Auguste jusqu’à l’accouchement. Simonin se taisait. Jamais il ne parlait de l’enfant qui allait naître. Il ne voulait même pas connaître les prénoms choisis par Adèle. Mais, aucun reproche, jamais une allusion. C’est à peine s’il regarda le bébé que la sage-femme voulait à tout prix lui présenter.
Pour lui, il n’y avait guère de doute. Hyppolite était le père de l’enfant. Il n’en voulait pas vraiment à Adèle. Mais à ce jour, le médecin devint pour lui un véritable ennemi. Est-ce qu’Adèle s’était accroupie sur ses cuisses ? Avait-elle doucement gémi à la découverte du plaisir ? Cela le torturait.
Et puis, il y eut le drame. Peu de jours après l’accouchement, on retrouva Adèle, l’enfant et le chien noyés dans le plan d’eau. Simonin fut sidéré. Mais de douleur, point. Si, peut-être, pour son chien. On conclut au suicide consécutif à une brutale dépression après l’accouchement. Pour le chien on supposa qu’il s’était noyé en tentant de sauver sa maîtresse, happé par la boue du plan d’eau.
C’est son beau-père, suivi du médecin, qui vint le prévenir. Il ne prononça pas un mot, ne demanda aucune précision. Et jusqu’à l’enterrement, il s’enferma dans un mutisme qui passa pour une indicible douleur. Il refusa toute aide. Les mains tendues d’Auguste et d’Hyppolite le révulsaient. Ils comprirent que, cette fois, il valait mieux laisser tranquille le petit Guiochet.