Des points de vue divergents
Simonin avait pris soin de recopier, en plusieurs exemplaires, le tableau élaboré après la lecture du brouillon de Rouillard. Il y jetait encore quelques coups d’œil quand il déboucha de la place du Marché au chanvre. Dans quelques secondes, il serait à la gendarmerie.
Le médecin était déjà arrivé. Il avait retravaillé avec le maréchal des logis le procès- verbal de façon à le rendre cohérent avec son propre compte-rendu. Il s’interrogeait, par moments, à propos de la démarche du maire. Que voulait-il ? Que cherchait-il ? Et surtout comment un personnage aussi insignifiant pouvait-il avoir l’audace de remettre en cause son travail, voire ses compétences.
Gaspard commençait à être un peu inquiet. Bien sûr, il obéissait à Hyppolite Delacourt. Il connaissait tellement de personnes haut-placées dans la magistrature. Mais un maire, ce n’était pas n’importe qui non plus. Et puis, même s’il savait que les relations de Simonin avec son beau-père n’étaient pas bonnes, il était quand même allié à la famille Péan. Et cette famille, depuis des décennies dans la ville, c’était quelque chose !
Après avoir salué le gendarme et le médecin, Simonin leur tendit ses documents pendant qu’il prenait connaissance du procès-verbal remanié du gendarme et le compte-rendu du médecin. Rien sur le fond n’avait changé. Il s’amusait à repérer les tournures un peu boursouflées d’Hyppolite contrastant avec les formules stéréotypées de la gendarmerie. Ainsi ils avaient, à nouveau, travaillé ensemble de façon à ce que les deux documents puissent concorder. Discrètement, il jetait un coup d’œil aux deux hommes. Gaspard était de plus en plus rouge et transpirait. Le médecin avait blanchi et ses narines se pinçaient.