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19 juillet 2015 7 19 /07 /juillet /2015 09:59
Le Taillis de la Mort…

Elle

« Malheureusement tu ne pourras pas lire cette dernière lettre. Après ton enterrement, le mois dernier, j’ai failli déchirer tes lettres et le double de celles que je t’avais écrites. Je n’arrivais même pas à repenser à ce tu avais envisagé : les réunir et les enterrer au Taillis de la Mort. Ce projet, quand tu étais encore vivant m’enthousiasmait. Je ne sais si j’aurais su trouver les mots pour parler de ce que nous avons vécu lors de notre seconde rencontre. C’est sans doute encore trop fort, trop vivant.

Je ne suis plus que douleur, sentiment d’injustice et de rage mêlées. Je vais tout de même, cet après-midi, aller m’asseoir sur le banc entre les deux grands hêtres que tu semblais tant aimer. Je pleurerai sans doute. Mais j’irai jusqu’au bout. Les initiales, les flèches dans l’écorce. Et la boîte scellée que je déposerai dans la terre. Je ne sais si quelqu’un, un jour, retrouvera cette boîte.

Je dis à ce visiteur hypothétique que s’il n’est pas convaincu que les mots sont plus forts que le réel, qu’ils permettent de prolonger la vie des misérables qui les ont écrits, alors qu’il détruise cette boîte. Dans le cas contraire, qu’il prenne le temps de retrouver les tombes des deux personnes qui ont écrit ces lettres, qu’il médite un temps et se réjouisse avec eux des moments singuliers qu’ils ont su se donner. »

Etrange impression de soulagement et de regret. La rédaction était par moments éprouvante. Trop d’impatience, trop d’envie de tout dire. Et cette impuissance à traduire en mots toujours trop faibles les sentiments, les émotions. Il avait beau tourner autour, croire les avoir enfin captés et être en mesure de les transmettre, une petite musique était là qui rompait le charme.

La nuit était noire. Il resta un moment à observer la lampe verte, le stylo et le papier bleu. Il crut ressentir cette joie profonde et triste que le personnage masculin avait pu vivre dans la ruelle derrière le bal. A cet instant, son esprit se mit à flotter, bercé par un mouvement ample et lent d’étoffes bleues. Des silhouettes doucement émergeaient. Il reconnut l’artiste, l’enfant, le vieil homme. Puis une femme apparut, hésitant sur la main à saisir.

Quand il se demanda s’il retournerait le lendemain creuser entre les deux hêtres épais et noueux, les silhouettes s’effacèrent.

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