La catastrophe…
Mon excitation était à son comble. Je jouissais littéralement du danger, de la traque. Et, en plus, les membres de la bande observaient. Il y eut quelques coups de feu. Des branches et des feuilles déchiquetées. J’en étais arrivé à souhaiter une blessure. Pas trop grave bien sûr mais suffisamment pour que mes compagnons m’entourent, éplorés et un peu admiratifs. Je pensais à cette fin glorieuse de la confrontation quand je vis, accroupi derrière un rocher mon adversaire. Je décidai, calmement, de viser au plus près la branche de pin qui se balançait juste au-dessus de sa tête.
Et puis, tout s’enchaîna sortant de tout contrôle. Un jeune, inconnu des deux bandes, surgit d’un fourré. Attiré par les coups de feu et sans doute décidé à rejoindre la bande du haut il se précipitait pour prévenir l’adversaire embusqué, persuadé que j’allais le tuer. Il prit la balle en pleine tête. Je jetai le fusil, horrifié, tenté par la fuite. Puis je revins vers la victime qu’on essayait de ranimer. On me repoussa violemment. Et je sens encore parfaitement, quarante ans après, ce rejet, cette faille qu’aucune vie, aussi longue soit-elle, ne parviendrait à combler.
La période historique particulièrement troublée qui s’ouvrait me fit échapper à une lourde sanction amplement méritée. Je décidai alors de quitter la ville. Et je commençai un travail d’analyse et d’introspection qui devint l’essentiel des longues années qui me restaient à vivre. Au cours de ce travail, progressivement, un système représentatif se mit en place. A usage personnel, sans ambition généralisatrice. Mais qui me sauva, sans doute, en donnant un sens à ma vie.