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L’installation…
Quand la maladie s’accéléra brutalement, il en fut presque soulagé. On ne s’interrogeait plus. Il faisait un peu peur. On ne s’étonnait plus de la longueur de ses cheveux, il n’en avait plus. C‘est au retour d’une de ces séries de soins plutôt pénibles qu’il prit la décision de quitter définitivement son ancienne demeure dans laquelle, d’ailleurs, il ne restait plus grand-chose. Il faisait presque nuit. Il avait ressorti tous ses carnets. Des années d’écriture souvent difficile qui, pour devenir régulière, était passée par de nombreux essais avortés. Il manquait les trois dernières années. Il n’avait, en effet pas écrit une ligne depuis la mort de sa femme. Le vide, tout d’abord, l’empêchait d’amorcer la moindre phrase. Le trop plein, ensuite, qui rendait ridicule ce rendez-vous quotidien. Il fallait bien oublier qu’il n’avait plus personne à rencontrer. Il avait repris le carnet vide qui l’attendait. Le stylo allait-il fonctionner après tout ce temps ?
« Demain, je vais entrer dans ma nouvelle et sans doute dernière demeure… » Il s’arrêta, un moment inquiet. Il regarda le stylo, le porta à la bouche. Il le remerciait presque. Il eut envie d’une sérénade de Schubert. Mais tout était là-bas qui l’attendait. Il chercha fébrilement dans les livres éparpillés sur le plancher du bureau un petit ouvrage, d’un petit auteur, qui pourtant l’avait autrefois bouleversé. Il retrouva, soulagé : « Une promesse » de Sorj Chalandon. Il allait reprendre son stylo quand il comprit que le temps était venu. Personne ne le vit descendre, dans la pénombre, le chemin du Taillis. Il avait mis dans sa valise sa lampe verte qu’il avait failli abandonner. On lui avait fait comprendre que ce style était particulièrement ringard. Il fut pourtant soulagé, quand il s’installa dans son nouveau bureau, d’allumer cette lampe dont le halo vert devait se voir de loin. Il espéra que chacun allait comprendre qu’il était de retour, qu’il allait retrouver ce cher « Fantôme d’Autrui » qui lui avait tant manqué.
Il écrivit une partie de la nuit s’obligeant tout de même à ne pas trop veiller. Il fallait être en forme. Demain devait être une « Belle journée ».