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16 février 2014 7 16 /02 /février /2014 11:39

Prolonger les traces…

Cet après-midi, j’ai repris le manuscrit de Mademoiselle Lerpin. Je n’avais pas le courage de remonter dans la salle des archives. Combien de fois ai-je entendu la légende de la Pierre Tournante ? Elle m’amusait quand des paysans crédules affirmaient que la pierre tournait douze fois sur elle-même, à minuit, la nuit de Noël. Mais qu’il était inutile d’essayer d’aller y voir. Toute présence humaine stoppait alors le mouvement. C’était bien pratique. Quand l’Eglise a tenté de récupérer les monuments anciens témoins des croyances païennes, elle a pu faire preuve d’une certaine habileté. J’aimais moins les croix taillées dans les pierres dressées elles-mêmes. Une récupération plus intrusive, presque un viol de sépulture. J’étais encore plus sévère quand les mêmes paysans affirmaient que leurs vaches s’agenouillaient dans les étables au moment de la rotation de la Pierre et qu’ils les avaient vues, de leurs yeux vues. Le merveilleux côtoyait alors l’indigence d’esprit. A la lecture du texte, je vis plutôt, cet après-midi, un groupe humain à la recherche d’un abri après une longue marche. L’image traditionnelle, les peaux de bêtes, les hommes chassant des animaux plutôt rares, les femmes entretenant le foyer dans une grotte sombre à proximité d’une rivière. Il s’agissait, en l’occurrence d’un ruisseau, affluent de notre Colmont. Je me plaisais à imaginer la sédentarisation des mêmes, entourés d’enfants qui n’auraient plus à marcher sans autre perspective que la découverte de nouveaux territoires où cueillir et chasser. Des champs, des enclos, la culture et l’élevage, se sont donc développés sur le territoire de notre commune actuelle. Les descendants du petit groupe arrivé près du ruisseau sont devenus plus nombreux. Et quand ils ont détaché le bloc de granit du coteau, l’ont taillé sur place puis traîné et dressé à l’aide de corde et contrepoids, ils s’adressaient peut-être à nous. Jalon pour rappeler que le territoire était la priorité du groupe ? Lieu de culte, pourquoi pas de sépulture, inscrit dans le temps ? Respect de la mémoire des anciens arrivants, ceux qui, la première nuit, serrés dans la grotte autour du maigre feu, dépeçaient un animal indéterminé ? Mais aussi peut-être un signe pour ceux qui prolongeraient la vie près de l’eau nourricière…

Je me suis endormi sur cette image étrangement apaisante. L’amour de Mademoiselle Lerpin pour son pays venait donc de très loin. Et l’idée de m’inscrire dans cette lignée me remplit brusquement de joie. S’il n’avait été si tard, je serais remonté dans la petite pièce poussiéreuse. D’autres que Gaspard Beurrier m’y attendaient. Cette perspective m’a réjoui. Je reprends mon propre cahier. Deux pages à peine et pourtant j’ai déjà l’impression de prolonger leurs traces.

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