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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 10:09

Amour ancillaire…

Si je faisais figure de privilégié en partageant parfois ces plaisirs raffinés, on me faisait sentir qu’il ne fallait pas pour autant me croire installé. On me réservait le plus souvent les miettes du festin. Et si ces miettes étaient pour moi un menu inespéré, je devais garder mon rang et remercier platement, je dirais même bassement. Le plus dur était encore le sourire gêné de certaines femmes tentées par la sauvagerie du soldat, ma réputation ayant franchi les bienséances. Et si même pour quelques-unes d’entre elles l’envie d’y revenir était trop forte, je devais bien comprendre que tout cela était exceptionnel, des erreurs d’un soir qu’il fallait très vite oublier. C’est sans doute pour ne pas l’avoir fait que ma troisième surprise faillit tourner bien mal pour moi. Sans compter le sort plutôt triste de notre lieutenant. La dureté de la guerre pouvait être supportée grâce aux pauses accordées entre les montées en ligne. Les plus modestes s’arrêtaient aux villages de l’arrière qui avaient su aménager des lieux de repos pour le soldat méritant. L’essentiel de ces lieux reposant sur l’alcool et les femmes. Les officiers ne pouvaient se compromettre aussi vulgairement. C’est pourquoi en dehors des repas et de leurs prolongements, dont j’ai déjà parlé, on cherchait plus loin des plaisirs plus raffinés ayant un rapport avec la vie d’avant la guerre. On y perdait en spontanéité, en satisfaction immédiate d’envies un peu vulgaires mais on se dépaysait, oubliant un peu la triste vie du combattant. Mon lieutenant avait ainsi loué une automobile et s’en allait plus loin lors de ses périodes de pause. Il avait rencontré une jeune fille de bonne famille avec laquelle il entretenait une cour à l’ancienne et échangeait des lettres subtiles où l’amour s’épanouissait. Or, il lui prit un jour de me demander de l’accompagner. En tant que chauffeur, bien sûr, non invité à la table de la famille de la demoiselle, mais avec le statut de domestique bien intégré.

Ces quelques jours soustraits au front me convenaient plutôt. Nous partions de bonne heure le matin et arrivions à la propriété pour le déjeuner. Il s’agissait d’un manoir restauré, d’un goût discutable, mais en tout point confortable. Je déjeunais à la cuisine d’un menu sans doute moins relevé que celui des maîtres mais plus que convenable comparé au régime ordinaire de notre régiment. Et puis, à la cuisine, il y avait Marie. Elle était jeune, elle était fraîche et pour tout dire un peu dévergondée. Pendant que mon lieutenant comptait fleurette à la jeune fille enamourée il arrivait souvent, à Marie et à moi, de goûter à des fruits un peu plus acides. Tout était allé très vite. Nous en avions envie tous les deux. Nous nous le fîmes savoir sans trop de précautions. Cette franchise, cette spontanéité, ajoutées à l’urgence de la guerre, s’avérèrent parfaites pour notre accord charnel. Notre aventure fut connue très vite dans toute la maison et on s’en amusa. Tant que cela restait à la cuisine on s’en accommodait. Je crois même que le lieutenant et la jeune fille pimentaient un peu leur discours amoureux des frasques supposées du soldat et de la cuisinière. Nous en parlâmes une fois sur la route du retour. Nous n’en étions pas tout à fait aux réelles confidences mais le lieutenant se laissa aller à parler d’une promesse qui devait bientôt se concrétiser. Et de fil en aiguille, lorsque nous arrivâmes à notre cantonnement, je savais le jour et pratiquement l’heure à laquelle devait succomber la jeune fille, vierge naturellement. Or, le jour où l’acte devait être accompli, le lieutenant désespéré vint me voir. Le colonel avait absolument besoin de lui. L’élaboration d’un plan d’urgence dont la victoire dépendait. Il était trop tard pour prévenir la belle qui serait certainement très déçue. Et le lieutenant me supplia d’aller annoncer moi-même la mauvaise nouvelle.

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